La Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) aura bientôt plus de pouvoirs d'inspection et de sanctions contre les médecins qui fraudent l'État ou surfacturent des patients.

Déposé à l'Assemblée nationale mercredi par le ministre de la Santé Gaétan Barrette, le projet de loi 92 cible également les pharmaciens, les fabricants et les grossistes en médicaments. Québec veut s'attaquer au phénomène des ristournes et des cadeaux accordés illégalement aux professionnels par des pharmaceutiques.

La RAMQ réclame depuis des années des pouvoirs accrus pour contrer la fraude et les erreurs de facturation dans la rémunération des médecins. Le projet de loi fait également suite au rapport déposé l'automne dernier par la vérificatrice générale Guylaine Leclerc. Elle avait conclu que la Régie n'exerce pas de contrôles suffisants sur les sommes facturées par les médecins.

Le projet de loi donne plus de temps à la RAMQ pour sévir contre les professionnels fautifs.Il prévoit que le délai de prescription de trois ans pour la récupération de sommes versées en trop peut être suspendu pendant un an à compter de la notification qu'une enquête est en cours.

Le délai de prescription pour intenter une poursuite pénale, donc pour imposer des amendes, passe de deux à cinq ans à compter de la date de perpétration de l'infraction.

Des amendes allant jusqu'à 150 000 $

La poursuite doit se faire dans un délai d'un an à partir du moment où le Directeur des poursuites criminelles et pénales est au fait de l'infraction. Le montant des amendes est également revu à la hausse. Par exemple, surfacturer la RAMQ ou exiger illégalement des paiements à un patient pourrait entraîner une amende de 5000 à 50 000 $ au lieu de 1000 $ à 5000 $. C'est le double en cas de récidive.

Certaines amendes pourraient atteindre jusqu'à 150 000 $. « On comprendra qu'à une telle hauteur, l'effet dissuasif sera d'autant plus grand », a soutenu M. Barrette en conférence de presse. À ses côtés, le PDG de la RAMQ, Jacques Cotton, s'est dit satisfait des nouveaux pouvoirs. Le projet de loi constitue un « virage majeur » selon lui. « On a suffisamment d'effectifs pour exercer les contrôles », a-t-il précisé.

La RAMQ pourrait récupérer auprès d'un médecin des sommes qu'il a facturées illégalement à des patients sans que ceux-ci lui aient fait une demande de remboursement. À l'heure actuelle, la Régie ne peut aller de l'avant sans une telle demande même si elle est au courant que des patients sont forcés par des médecins de payer des sommes en contravention à la loi.

Le projet de loi accorde également à la RAMQ un pouvoir d'injonction pour faire cesser sur-le-champ des pratiques de facturation jugées illégales. Il lui permet également d'avoir accès à davantage de documents dans le cadre d'une inspection. Selon le ministre, il s'agit de « la levée du secret professionnel pour obtenir des renseignements utiles pour justifier la réclamation ».

Dans son rapport, la vérificatrice générale Guylaine Leclerc disait que « la RAMQ ne prend pas suffisamment en compte les risques d'erreur ou de fraude relatifs à la rémunération des médecins, alors que celle-ci représente 62 % de ses dépenses de programmes » de l'ensemble du gouvernement, disait-elle.

En 2014, parmi 17 542 médecins, à peine 2 % ont fait l'objet d'une analyse de leur facturation, et ce, généralement pour un seul code d'acte médical (il y en a plus de 10 000), soulignait-elle. Un échantillon de dossiers relevés par la VG démontre que les réclamations des médecins ont été réduites de 21 % à 100 % par rapport aux montants approuvés à l'origine par la RAMQ. Par exemple, une réclamation de 337 000 $ s'est finalement réglée à 100 000 $, un autre qui demandait 106 000 $ a finalement réglé pour 29 500 $. Au total, 40 % des 321 dossiers examinés se sont réglés avec une diminution de 15 % ou plus de la facture initiale.

La vérificatrice dénonçait également le fait que des médecins qui ont plus de 4000 patients n'ont pas fait l'objet de vérification de la part de la RAMQ alors que la moyenne de prise en charge est de 1200 patients au Québec.

La RAMQ reçoit 55 millions de demandes de paiement par année. La facturation en fonction de l'acte représente 62 % (3,9 milliards de dollars) de l'ensemble des sommes payées aux médecins.

La RAMQ a reconnu en commission parlementaire plus tôt cette année que le risque de fraude et de mauvaise facturation est majeur. Il a récupéré neuf millions de dollars auprès des médecins au cours de la dernière année.