Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, a maintenant bon espoir de conclure avec les médecins spécialistes une entente similaire à celle intervenue avec les omnipraticiens.

Les spécialistes échapperaient ainsi au projet de loi 20 eux aussi, en échange d'un engagement à donner un meilleur accès à leurs services.

Le mois dernier, M. Barrette et le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), Louis Godin, ont annoncé la conclusion d'une entente en vertu de laquelle les médecins de famille s'engagent à prendre en charge 85% des Québécois et à atteindre un taux d'assiduité de 80% d'ici le 31 décembre 2017. S'ils n'y arrivent pas, les sanctions prévues au projet de loi 20 s'appliqueront, comme une coupe de la rémunération pouvant aller jusqu'à 30 %.

La FMSQ «a demandé quelque chose de similaire», avec le même échéancier, a dit M. Barrette. «Les médecins, qu'ils soient spécialistes ou de famille, veulent à tout prix ne pas avoir l'application de la loi 20. Je les comprends. La seule façon de l'éviter, c'est de s'engager à livrer la marchandise. Et actuellement, les omnipraticiens sont arrivés avec l'engagement que vous connaissez. Les médecins spécialistes semblent prendre une voie similaire.» Selon le ministre, «il y a des discussions positives» avec la FMSQ. «Ça se passe bien. On a encore des rencontres la semaine prochaine. Je n'ai rien de négatif à dire à cet égard», a-t-il affirmé.

Le ministre tenait un tout autre discours à la fin mai. «La FMSQ reste assise chez elle. Ils ont leur réflexion à faire et peut-être qu'ils verront la lumière qui a été vue par la FMOQ», disait-il en conférence de presse aux côtés de M. Godin.

Gaétan Barrette a laissé entendre que la FMSQ accepterait de se conformer aux exigences prévues dans le projet de loi 20 d'ici décembre 2017. «Actuellement, ils font des propositions qui vont dans ce sens-là. Mais je ne ferai pas de commentaires plus détaillés sur la négociation», a-t-il dit.

Les exigences du projet de loi 20 sont les suivantes:

-Assurer le suivi d'une consultation demandée entre 7 h et 17 h à l'urgence dans un délai prescrit par règlement (3 heures)

-Assurer la prise en charge et le suivi médical des patients hospitalisés, à titre de médecin traitant, lorsque la masse critique de médecins de famille dans l'hôpital est insuffisante.

-Assurer une gestion adéquate des listes d'attente chirurgicales en accordant la priorité aux patients en attente depuis plus de six mois.

-Recevoir en consultation, donc hors de l'urgence, un nombre minimal de patients envoyés par un médecin de famille, nombre qui sera déterminé par règlement.

Le projet de loi prévoit de réduire de 30 % la rémunération de l'ensemble de la pratique d'un médecin spécialiste qui ne respecte pas l'une des quatre obligations.

La FMSQ confirme que les pourparlers sont « positifs » avec le gouvernement. Elle ajoute que sa proposition reprend les quatre obligations prévues au projet de loi 20. Mais elle demande que des « conditions » soient réunies pour arriver à offrir une accessibilité accrue aux services. Ces conditions sont : des blocs opératoires ouverts, un accès à des cliniques externes et la disponibilité des infirmières et autres professionnels de la santé.

À l'Assemblée nationale, le chef péquiste Pierre Karl Péladeau a signalé que le ministre a proposé en commission parlementaire d'amender le projet de loi 20 pour retirer la priorité accordée aux patients en attente d'une chirurgie depuis plus de six mois. «Il abaisse les exigences» à l'égard des médecins spécialistes, a-t-il accusé. Le ministre trouve paradoxale la sortie du PQ dans la mesure où celui-ci lui reprochait d'avoir déposé un projet de loi trop sévère. Le député caquiste François Paradis a signalé par la suite à La Presse qu'un autre amendement prévoit d'assouplir l'obligation d'assurer un suivi dans un délai de trois heures d'une consultation demandée à l'urgence. La consultation devrait être demandée entre 8h et 16h au lieu d'entre 7h et 17h.

Le projet de loi 20 ne pourra pas être adopté d'ici la fin de la session parlementaire vendredi. «L'adoption du projet de loi 20 peut attendre un certain temps, a réagi M. Barrette. J'ai beaucoup plus besoin du projet de loi 20 pour les économes liées à la procréation médicalement assistée que pour les engagements des médecins.» Ces économies s'élèvent à 48 millions de dollars.

Un bâillon sera-t-il nécessaire comme dans le cas du projet de loi 10 sur la réorganisation du réseau de la santé ? «Ce n'est pas les mêmes circonstances», a répondu M. Barrette, rappelant que la réforme du réseau devait absolument entrer en vigueur le 1er avril.

Il a ajouté que le projet de loi 20 «doit passer parce qu'il mettra en place les conditions à être exercées s'il advenait que les engagements des médecins spécialistes et des médecins de famille ne seraient pas respectés. Le projet de loi 20, ce n'est pas un artifice. Ce sera exercé si la marchandise n'est pas au rendez-vous».

M. Barrette s'apprête également à régler un conflit avec un autre groupe de professionnels, les pharmaciens propriétaires. Une entente serait à portée de main au sujet de la coupe de 177 millions de dollars des honoraires. « La négociation avance à un rythme accéléré, et j'ose pouvoir dire qu'il devrait y avoir un dénouement qui devrait être favorable», disait le ministre la semaine dernière.