Même si la firme Cardinal Health fait actuellement l'objet d'une enquête par l'Unité permanente anticorruption (UPAC), le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) continue de lui attribuer des contrats, et ce, sans toujours avoir recours au processus d'appels d'offres.

Le 12 juillet, Cardinal Health a remporté un appel d'offres de plus de 305 000$ pour l'approvisionnement en solutions hydroalcooliques et en distributeurs du CHUM. Le 1er août, l'entreprise américaine a remporté un appel d'offres de plus de 88 000$ pour fournir des produits thérapeutiques au département de radiologie du CHUM.

La porte-parole du CHUM, Sylvie Robitaille, explique que l'établissement est «bien au fait» que Cardinal Health est sous la loupe d'enquêteurs. «Mais l'Autorité des marchés financiers n'a émis aucune interdiction à l'effet qu'on [le CHUM] doive interdire nos relations avec Cardinal», dit-elle, tout en ajoutant que «la majorité des établissements de santé du réseau utilisent Cardinal Health pour ses approvisionnements».

Le 22 juillet, le CHUM a aussi annoncé l'attribution de trois contrats de gré à gré à Cardinal Health pour l'approvisionnement en pansements, en savon et en fournitures diagnostiques et thérapeutiques de radiologie. Les trois contrats totalisent 106 118$. Or, selon la loi, tout contrat d'approvisionnement dépassant les 100 000$ doit être accordé par appel d'offres.

Mme Robitaille assure que les contrats n'ont pas été fractionnés pour éviter d'avoir recours à un appel d'offres. «Les contrats ont en fait été donnés bien plus tôt, en 2012 et en 2013. Mais nous ne les avons publiés que le 22 juillet», explique-t-elle, en reconnaissant que le CHUM «a tardé» à les publier.

Mme Robitaille ajoute que les trois contrats de gré à gré sont en fait des «prolongations de contrats existants». «Pour éviter un bris de service en attendant les résultats des nouveaux appels d'offres, on a prolongé les anciens contrats de gré à gré», indique Mme Robitaille.

Pour le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Jeff Begley, ces contrats ne sont que la «pointe de l'iceberg» dans le domaine de la santé. «On parle beaucoup des problèmes de contrats dans la construction. Mais la santé est le plus gros budget du Québec. Et on voit ici que le potentiel de dérapage est énorme», note-t-il.

Poursuites aux É.-U.

En avril dernier, Cardinal Health a fait la manchette après avoir obtenu le contrat d'approvisionnement du futur CHUM et du nouveau Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Le contrat totalise 38,9 millions de dollars.

Au cours des dernières années, Cardinal Health a eu quelques démêlés avec la justice américaine. En 2007, la société a payé 600 millions de dollars américains pour régler une poursuite contre des actionnaires qui l'accusaient d'irrégularités comptables. La même année, l'entreprise a versé 35 millions pour régler un litige semblable avec la U.S. Securities and Exchange Commission. Et en 2011, Cardinal Health a versé 8 millions au gouvernement américain pour régler une histoire de pot-de-vin.

Même si ces histoires ne concernent que la division américaine de la société et non pas sa filiale canadienne, le ministre de la Santé, Réjean Hébert, a tout de même demandé à l'Autorité des marchés financiers (AMF) de faire enquête, en mai dernier. Le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge, confirme que le dossier est maintenant «entre les mains de l'UPAC».

La firme Cardinal Health n'a pas rappelé La Presse.