Voilà une nouvelle qui en fera éternuer plus d'un. Au Canada, des plants de petite herbe à poux survivent désormais à l'épandage de glyphosate, l'herbicide le plus utilisé au monde - et le plus vendu au Québec.

La présence de petite herbe à poux (dont le pollen cause le rhume des foins) récalcitrante en Ontario, l'été dernier, a été récemment confirmée par l'Université de Guelph.

Trois autres espèces résistantes au glyphosate, le désherbant utilisé avec les populaires semences transgéniques Roundup Ready de Monsanto, se propagent rapidement dans les champs au pays. Il s'agit de la grande herbe à poux - identifiée dans 82 sites l'été dernier -, de la vergerette du Canada - retrouvée dans 151 sites deux ans après son apparition - et du kochia, dont le potentiel de dispersion dans l'ouest canadien «est phénoménal», selon François Tardif, professeur au département de phytologie de l'Université de Guelph.

Au Québec, «on soupçonne qu'il y a des mauvaises herbes résistantes au glyphosate, mais aucun test de laboratoire ne l'a confirmé», indique Danielle Bernier, agronome à la Direction de la phytoprotection du ministère de l'Agriculture (MAPAQ). Des espèces, dont la vergerette du Canada - qui compte d'innombrables semences pouvant se répandre par le vent à plus de 500 km - «nous préoccupent beaucoup», précise la spécialiste.

Déjà, des traitements de glyphosate sont inefficaces dans des cultures commerciales (maïs, soya, blé, etc.) et des plantations d'arbres de Noël, selon une enquête menée par le MAPAQ auprès de 50 spécialistes de la lutte aux mauvaises herbes.

Aux États-Unis, 28 espèces sont résistantes au glyphosate. Au point où les entreprises comme Monsanto et DowAgriculture misent désormais sur des semences génétiquement modifiées pour résister à d'autres herbicides, comme le controversé 2,4 D et le dicamba.

«Tout cela ne fait que retarder l'apparition de résistances, dénonce Thibault Rehn, secrétaire de Vigilance OGM. La nature est plus forte que ces compagnies, qui ont des visions à court terme, sans penser à l'environnement ou à la santé publique.»

Encore plus d'herbicides

Au Québec, six mauvaises herbes ont développé la faculté de survivre à l'épandage d'autres herbicides que le Roundup. «Ce n'est pas encore une catastrophe, mais bon an, mal an, on voit une espèce résistante de plus et deux ou trois nouveaux sites touchés», explique Mme Bernier.

Conséquences: les fermiers doivent augmenter les doses et le nombre d'herbicides épandus dans les champs, ce qui hausse «les risques reliés à la santé humaine et à l'environnement», confirme une présentation du MAPAQ.

Stéphane Bisaillon, agriculteur sur la Rive-Sud de Montréal, s'est déjà buté à des plantes survivant à l'herbicide atrazine. Pour prévenir d'autres cas de résistance, «je travaille avec les doses recommandées et je fais la rotation des familles de pesticides», témoigne-t-il.

Gros hic: c'est cher. «Une application de glyphosate coûte 4$ l'acre, indique Joel Johnson, chef de marque pour les herbicides chez BASF Canada. Si on ajoute de l'herbicide Optill (qui contient deux autres familles d'herbicide) pour lutter contre la résistance, la facture grimpe à 13 ou 14$ l'acre.

«Mais ce n'est rien, comparé à ce qui se passe en Géorgie, fait valoir M. Johnson. J'y suis allé récemment et ils ont des mauvaises herbes résistantes à cinq herbicides différents. Tout ce qui leur reste, c'est le désherbage à la main par de la main-d'oeuvre étrangère, qui coûte beaucoup plus cher.»