Les pharmaciens et les psychologues ne sont pas les seuls à déserter les établissements de santé publics: les physiothérapeutes aussi. La situation est inquiétante au point où les syndicats et l'ordre professionnel qui représentent environ 2660 physiothérapeutes du secteur public viennent d'interpeler le ministre de la Santé, Yves Bolduc. Jusqu'à maintenant, les physiothérapeutes se heurtent à un mur à Québec, a constaté La Presse.

Il y a 20 ans, 8 physiothérapeutes sur 10 (80%) choisissaient de pratiquer dans un hôpital ou dans un centre de soins après avoir décroché leur diplôme universitaire de premier cycle. Aujourd'hui, à peine un professionnel sur deux se tourne vers le réseau public - quand ils ne choisissent pas carrément une autre profession plus lucrative, comme l'ergothérapie. Les autres choisissent le privé pour un tas de raisons: les salaires plus élevés, notamment, mais aussi une meilleure reconnaissance de la pratique.

Au Québec, depuis 2007, la maîtrise est devenue graduellement obligatoire pour les physiothérapeutes et les ergothérapeutes.

Équité salariale

Dans le dernier programme d'équité salariale, en 2010, le gouvernement a consenti un rajustement de 5,9% aux ergothérapeutes, mais les physiothérapeutes n'ont eu droit qu'à un maigre 0,9%.

Pierre Allard, professeur et vieux routier de la physiothérapie à l'Hôpital général Juif, explique qu'il gagne 3500$ de moins que ses collègues ergothérapeutes. Avec la rétroaction, ces derniers ont eu droit à 2000$, contre 200$ pour les physiothérapeutes.

«Actuellement, les cliniques privées offrent bien souvent aux jeunes physiothérapeutes l'équivalent de nos avantages sociaux, en plus du 5% obtenu par les ergothérapeutes, explique-t-il. Au public, c'est stimulant, mais il n'en demeure pas moins que nous traitons des gens de 18 à 98 ans, avec des maladies chroniques comme le diabète, des problèmes respiratoires et cardiaques. Tandis qu'au privé, les problématiques sont moins compliquées, et il n'y a pas les contraintes des listes d'attente, qui font qu'on ne peut pas traiter jusqu'à une réadaptation complète.»

La vice-présidente de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, Johanne McGurrin, a écrit personnellement au ministre Bolduc en avril dernier afin d'obtenir un ajustement salarial pour ses membres. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu d'engagement formel. L'Ordre des physiothérapeutes a aussi poussé en ce sens, mais la rémunération demeure une question syndicale. «L'écart avec les ergothérapeutes est une injustice pour les physiothérapeutes, ça n'a juste pas de bon sens, dit Mme McGurrin. Nous avons un dossier identique à celui des ergothérapeutes.»

Intentions professionnelles

M. Allard a récemment rencontré des étudiants d'une faculté pour sonder leurs intentions professionnelles. Selon lui, il est évident que les physiothérapeutes seront de plus en plus nombreux à se tourner vers le privé, et ce sont les patients qui ramasseront la facture.

«Les yeux des jeunes s'allument quand on leur parle de la réadaptation pour des blessures sportives, une pratique fréquente dans le privé. C'est différent quand on leur parle de la physiothérapie en établissement, même si pour certains, le choix est clair. Vous savez, avec le vieillissement de la population, une personne de 70 ans, c'est un gamin. On voit des gens de 90, 100 et même 103 ans qui arrivent de la maison. Sauf qu'avec toutes les suppressions de services, on ne peut espérer leur donner tout le rétablissement nécessaire pour s'habiller et rester autonomes.»