La graisse brune n'est pas une sauce particulièrement riche. C'est une nouvelle piste pour lutter contre l'obésité, confirmée par une étude codirigée par Dr André Carpentier, professeur à la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, qui suscite un grand intérêt partout dans le monde.

Vous ne le saviez pas, mais vous avez probablement de la graisse brune dans le cou, au-dessus des clavicules, près de la colonne vertébrale et du coeur. Ce tissu adipeux est brun parce qu'il contient beaucoup de mitochondries, «de petites fournaises qui fabriquent de l'énergie à partir du gras, du sucre, etc.», a expliqué le Dr Carpentier

à La Presse.

La graisse brune sert à se garder au chaud. Ce qui la rend si unique, c'est qu'elle peut brûler une quantité significative d'énergie déjà stockée dans d'autres graisses du corps, s'il est exposé au froid, ce que prouve l'étude publiée dans le Journal of Clinical Investigation.

Six hommes en santé, âgés de 23 à 42 ans, ont été passés sous scanneur (tomographie d'émission par positrons) pour évaluer la consommation d'énergie, de glucose et de gras sanguins de leur graisse brune. Lorsque la température cutanée de ces hommes a été abaissée de 3,8 degrés Celsius - à la limite du frisson - pendant trois heures, leur dépense énergétique a augmenté de 250 calories.

«On s'est rendu compte qu'effectivement, lorsqu'on expose des individus sains au froid, on est capables d'activer les fournaises de leurs graisses brunes, a indiqué le Dr Carpentier. Et que ces graisses brunes ne font pas que capter plus de gras et de sucre, elles les brûlent littéralement.»

Faut-il baisser son thermostat dans l'espoir de maigrir? «Il est prématuré de dire que ce serait bon pour la santé, a averti le Dr Carpentier. On ne se cachera pas que si on était capable d'activer de façon sécuritaire, chronique et efficace ce gras-là, que si on pouvait faire dépenser un petit peu plus d'énergie aux gens qui en ont besoin, ça pourrait être un traitement complémentaire efficace de l'obésité et du diabète de type 2.» Mais il faut d'abord s'assurer que le corps ne se rebelle pas, par exemple en augmentant l'appétit.

Bébés et adultes

«L'activité physique et la bonne alimentation demeureront toujours les pierres angulaires du traitement et de la prévention de l'obésité», a souligné le Dr Carpentier. L'adulte a peu de graisse brune - 180 g en moyenne dans l'étude, aussi menée par Denis Richard, professeur au département de médecine de l'Université Laval. Bien que la présence de ce tissu adipeux soit connue depuis longtemps chez les nouveau-nés, ce n'est que récemment que la technologie a permis de voir qu'elle persiste chez l'adulte.

«Les jeunes femmes minces en ont beaucoup plus que toutes les autres personnes», a dit le Dr Carpentier. Au contraire, les obèses en ont très peu, les diabétiques encore moins, «sans qu'on sache pourquoi», a-t-il précisé.

La nouvelle  fait le tour du monde

Un article du New York Times traitant de l'étude québécoise sur la graisse brune, «qui aspire le gras du reste du corps», figure parmi les plus populaires de son site internet depuis mardi. Même engouement pour la «grasa parda» chez les lecteurs du grand quotidien espagnol El Pais.

«L'étude a fait le tour du monde», a témoigné hier son coauteur, le Dr André Carpentier, professeur à la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. La graisse brune a été mentionnée 152 fois à l'étranger entre le 15 janvier et hier, selon Influence Communication.

Au Canada, le sujet a été abordé 244 fois, l'étude du Dr Carpentier étant citée dans 20 % des cas. Au Québec? À peine cinq mentions. Cela peut s'expliquer par un faible intérêt à l'égard de la science au Québec, croit Jean-François Dumas, président d'Influence Communication.

«Si l'étude parlait des graisses brunes de P.K. Subban ou d'un autre joueur du Canadien, on la mentionnerait beaucoup plus», a-t-il ajouté avec humour.