Les psychologues des hôpitaux et des écoles du Québec craignent d'être rayés de la carte. En raison de leurs maigres salaires et des contraintes de plus en plus lourdes liées à leur profession, ils sont de plus en plus nombreux à quitter le réseau public pour le privé. Et ceux qui restent dans le réseau doivent la plupart du temps pratiquer en cabinet privé pour garder la tête hors de l'eau.

Afin de faire pression sur le gouvernement, les psychologues ont déjà annoncé au ministre de la Santé leur intention de suspendre la supervision et la formation des étudiants en psychologie clinique. Si les moyens de pression se maintiennent, soutiennent-ils, près de 350 étudiants ne pourront pas faire leurs stages et internats obligatoires, à l'automne. Ce qui aura pour conséquence d'allonger les listes d'attente pour consulter un psychologue dans le réseau public, disent-ils.

Au Québec, il y a environ 8000 psychologues actifs, mais, de ce nombre, seulement le quart, 2000, pratiquent dans le réseau public, ce qui comprend les hôpitaux, écoles, centres de réadaptation, de détention, etc. On estime qu'environ 240 postes sont vacants. Le salaire en début de pratique dans le public est de 36 000$, et en moyenne de 56 000$. Dans la province voisine, en Ontario, on parle d'un salaire de 85 000$.

«C'est, dans un sens, une pénurie artificielle, puisqu'on a davantage de psychologues que dans d'autres provinces, dit Nathalie Dinh, chef professionnelle en psychologie à l'hôpital St. Mary, rencontrée par La Presse en compagnie de quelques confrères. Mais si la profession n'est pas valorisée, je crains que notre profession soit rayée du réseau public d'ici 10 ans. Ce qui aura des conséquences désastreuses pour les gens qui n'ont pas les moyens de se payer nos services.»

Joint en fin d'après-midi hier, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a dit que les discussions se poursuivaient. «Il n'est pas question que les psychologues quittent le réseau public; je veux m'assurer de leur pérennité.»

Florence Marcil-Denault, psychologue spécialisée en pédiatrie à l'hôpital Charles-Lemoyne, explique pour sa part qu'elle aimerait pratiquer à temps plein à l'hôpital, travailler en équipe avec des travailleurs sociaux et des psychiatres, mais que son salaire ne le lui permet pas. «Je fais du cabinet privé dans Outremont pour avoir un salaire décent, et payer mon doctorat pour lequel je ne reçois pas un sou. J'ai 35 ans, et je peux vous dire que j'ai une écoeurantite aigüe de la situation.»

Jusqu'à maintenant, les demandes des psychologues au gouvernement sont restées lettre morte. «On a eu deux séances avec des représentants du gouvernement, précise Nathalie Dinh. On veut une bonification de nos salaires, des bourses pour les études supérieures et une rémunération pour l'enseignement, parce qu'actuellement, on n'a rien, c'est symbolique.»

Martin Bourque, psychologue dans un centre de santé de la Montérégie, explique enfin que, sur le terrain, les piètres conditions se traduisent par une pénurie de plus en plus criante. «Durant quatre ans, on a essayé de recruter un troisième psychologue sans succès. Et on fonctionne actuellement à deux en raison d'un congé de maternité. Pour la clientèle adulte, on parle donc d'une liste d'attente d'au moins un an actuellement.»

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LES PSYCHOLOGUES AU QUÉBEC

Afin d'obtenir un permis de pratique délivré par l'Ordre des psychologues du Québec (OPQ), les candidats sont tenus :

> de faire plus de 2300 heures de stages et internats supervisés par des psychologues membres de l'OPQ;

> d'obtenir un doctorat en psychologie professionnelle requérant de 7 à 12 ans de formation universitaire.