Qui vient chercher des paniers de Noël? Sans surprise, beaucoup de gens qui vivent (mal) de l'aide sociale, quelques chômeurs; pas mal de personnes, aussi, qui travaillent sur appel ou dont les heures sont sans cesse réduites; des étudiants et des immigrés récents; des gens qui ont reçu un coup dur cette année, qui sont souvent en brouille avec leurs parents ou amis, ou alors qui sont complètement emmurés dans un monde à eux.

Ainsi, ce jour-là, à Jeunesse au Soleil, il y avait une femme qui attendait, sans raison aucune, à la porte du bureau d'inscription aux paniers de Noël. Pour rien. Elle était déjà inscrite depuis plusieurs jours.

 

Que faisait-elle là, toute la journée, assise sur une chaise droite? Ligne par ligne, elle biffait au stylo noir un article dans un quotidien gratuit. Au bout d'une heure, toute la page était noire. «Je fais une synthèse de l'article», a-t-elle expliqué.

La nuit, elle couche dans un refuge pour femmes. Mais le jour, elle ne peut pas y rester. Elle erre donc dans la ville. Ce jour-là, c'était à Jeunesse au Soleil, qui n'y voit pas d'inconvénient.

À un moment donné, son voisin s'est mis à raconter que ça n'allait pas fort cette année mais que, bon, il économisait son argent. Avec toutes ces maisons qui sont à peu près données aux États-Unis en raison de la crise immobilière, il se cherche des colocataires pour aller vivre à Salt Lake City, où l'attendent pas moins de trois emplois.

«Mériter» les victuailles

À Moisson Montréal, on nous dit par ailleurs que beaucoup de gens qui vont chercher des paniers de Noël sont ceux-là mêmes qui aident à les constituer, en tant que bénévoles. Ceux qui détestent demander la charité s'arrangent pour «mériter» leurs victuailles.

Ainsi en est-il de cet homme âgé, qui travaille depuis plus de 20 ans comme bénévole à Jeunesse au Soleil. Quand les gens de Jeunesse au Soleil partent chercher des aliments - pour la campagne de paniers de Noël ou en dehors de la période des Fêtes -, ils passent prendre leur homme, qui ne demande pas mieux que de faire de la route et de leur donner un coup de main.

Bien sûr, la misère noire ne commence pas le 21 décembre pour se terminer le 25 au soir, et la mission des organismes se poursuit à longueur d'année.

Hugett Messias, une employée du Centre des femmes, évoque cet homme de 79 ans qui leur a été envoyé il y a quelques semaines. «Il pleurait, il sortait de l'hôpital, il disait qu'il n'avait rien à manger, qu'il ne pouvait pas sortir de la maison. On lui a fait une petite épicerie, on la lui a apportée le samedi et on l'a dirigé vers le CLSC. On va rester en contact avec lui.»