Il ne faut pas craindre que la pratique du vélo diminue si le port du casque devient obligatoire pour les mineurs, selon le chef de pédiatrie de l'hôpital Sainte-Justine.

«Les études au Canada n'ont pas montré de diminution de la pratique, ni en Ontario ni en Alberta», affirme le Dr Jean-Yves Frappier.

La question est importante pour deux raisons. D'abord, la pratique du vélo est une activité physique qui contribue à la bonne santé et il faut l'encourager. Ensuite, il est démontré que la sécurité des cyclistes augmente avec leur nombre dans les rues.

Le Dr Frappier et ses collègues des autres hôpitaux pédiatriques ont lancé un appel pour rendre obligatoire le port du casque pour les moins de 18 ans au Québec, comme c'est le cas notamment en Ontario et en Alberta.

De plus, la semaine dernière, le coroner en chef de l'Ontario a recommandé d'étendre cette obligation à tous les groupes d'âge, après avoir constaté que plus de la moitié des morts à vélo survenaient chez les 45 ans et plus.

Tout cela relance le débat sur le port du casque.

Mercredi, le Dr Frappier a réagi aux propos de la directrice générale de Vélo Québec, Suzanne Lareau, qui a affirmé la semaine dernière qu'aucune étude ne prouve que rendre obligatoire le port du casque diminue la fréquence des blessures graves.

«L'obligation augmente le port du casque chez les enfants et surtout chez les adolescents, dit le Dr Frappier. Et selon les études qui ont été publiées, on observe entre 30% et 80% de réduction de blessures si on porte un casque.»

Mme Lareau a fait parvenir à La Presse une étude qui passe en revue les plus récentes recherches en la matière.

Cette étude du Norvégien Rune Elvik fait dire à Mme Lareau que le port du casque n'a pas un effet protecteur clair. Mais selon le Dr Frappier, le chercheur conclut au contraire que, «clairement», le port du casque réduit le risque de blessure à la tête. Les pistes se brouillent seulement quand on inclut les blessures au cou et au visage.

«Et en plus, dit le Dr Frappier, les études qui montrent moins de protection incluent les casques mous qui ne protègent pas. Je ne crois pas que cela existe ici.»

«L'important, c'est que le port du casque évite des blessures graves, dit-il. Le casque fend, mais au moins, la tête ne fend pas.»

Mme Lareau estimait entre autres que le fait de porter un casque peut rendre les cyclistes plus téméraires, ce que postulent plusieurs chercheurs. Le Dr Frappier en doute.

«Il y a des gens qui prennent plus ou moins de risques dans la vie, dit-il. Le téméraire demeure téméraire, mais au moins, s'il a un casque, les conséquences seront peut-être moins graves. Et est-ce qu'on est plus téméraire en auto depuis qu'on a les ceintures de sécurité?»

Effets pervers

Il demeure que des études tendent à montrer que les lois obligeant le port du casque réduisent le nombre de cyclistes. Une revue de l'efficacité des lois obligeant le port du casque pour réduire le risque de blessures a été publiée en 2006 par la Dre Dorothy Robinson dans le British Medical Journal.

La conclusion: le casque protège bien contre les blessures, mais le rendre obligatoire a probablement plusieurs effets pervers.

Un groupe de réflexion australien a même qualifié de «désastre» l'obligation de porter le casque, imposée dans ce pays il y a 20 ans, parce que la pratique du vélo y stagne. «En général, le vélo est une activité sans danger et les avantages pour la santé dépassent de loin les risques, affirme l'Institute of Public Affairs. Le manque d'activité physique cause 16 000 morts prématurées chaque année, ce qui rend insignifiantes les 40 morts de cyclistes.»

Mais selon le Dr Frappier, il faut tout de même imposer le port du casque aux mineurs.

«Chez les enfants et les adolescents, le cerveau est en développement, dit-il. Souvent, les dommages au cerveau ne sont pas réparables. Et pour les adolescents, l'obligation aide les parents. Ils peuvent dire: c'est la loi.»

Un argument qui convainc Philippe Caya, cycliste rencontré à Montréal et père de deux enfants de 3 et 6 ans. «J'ai l'impression qu'on n'a pas besoin d'imposer une nouvelle obligation, dit-il. Les enfants qui jouent dans ma ruelle portent tous un casque. Mais c'est vrai qu'à 12 ans, le casque va partir.»

Mais ce serait une obligation de trop pour Richard Favreau, 59 ans. Il porte un casque depuis une dizaine d'années, mais prône le libre choix. «Ça devient trop encadrant, dit-il. Si je jouais dans une ruelle, je n'en porterais pas, de casque.»