La mort d'un enfant reste un sujet tabou. Et le deuil de ceux qui restent, qu'il s'agisse des parents, des frères et soeurs, des grands-parents ou même du personnel soignant, l'est tout autant.

La fratrie est celle qui paie le plus lourd tribut. «Les autres enfants ne savent plus où se situer. Quand le frère ou la soeur malade disparaît, ils se retrouvent avec des parents détruits et ils ne savent pas comment retrouver leur affection», explique Nago Humbert, spécialiste en psychologie médicale et directeur des soins palliatifs à l'hôpital Sainte-Justine.

Être le survivant n'est pas simple, ajoute-t-il. «L'enfant peut être en colère contre son frère ou sa soeur malade, et quand il ou elle décède, c'est épouvantable la culpabilité qu'il ressent.»

Quant aux grands-parents, «ils sont les acteurs invisibles d'un scénario prévisible», dit M. Humbert. Ils sont toujours présents au chevet de leur petit-enfant malade, prêts à aider leurs propres enfants, à leur donner un coup de main à la maison afin que la vie continue. «Mais personne ne s'occupe de leur souffrance», lance M. Humbert.

Le quatrième congrès en soins palliatifs pédiatriques organisé par l'hôpital Sainte-Justine s'ouvrait hier. Cet événement est l'occasion de discuter de la question du deuil et de la souffrance de ceux qui restent.

Entre 160 et 180 enfants meurent chaque année à l'hôpital Sainte-Justine. Au Québec, un millier d'enfants, de la naissance à 18 ans, meurent de maladie, par accident ou par suicide.

Chez l'enfant, les soins palliatifs peuvent durer des années. De longues années durant lesquelles l'équipe soignante apprend à côtoyer et à connaître la famille. La moitié des enfants suivis aux soins palliatifs souffrent d'un cancer. Les autres sont surtout des nouveau-nés ou atteints d'une maladie neuro-dégénérative.

Lorsque la mort frappe, le personnel soignant s'en ressent aussi. «On s'est rendu compte que beaucoup de soignants épuisés avaient en fait des deuils anciens non cicatrisés», explique Pierre Canouï, responsable de la pédopsychiatrie de liaison et des soins de soutien à l'hôpital Necker-enfants malades, à Paris, qui animera un atelier sur le sujet.

Le soignant peut avoir l'impression qu'il a échoué dans sa promesse d'aider son patient. Et le plus difficile, c'est qu'il doit continuer son travail comme si rien ne s'était passé.

«Il faut passer à la chambre d'à côté, au patient d'à côté, et bien sûr on ne peut pas lui faire porter le deuil. Il faut être souriant, en forme, dynamique, à l'écoute. C'est un travail psychique très compliqué», relate M. Canouï.

À Sainte-Justine, l'unité des soins palliatifs est une équipe mobile. C'est le personnel qui se déplace de chambre en chambre pour voir les petits malades.

Mais depuis quelques semaines, un enfant en phase terminale, ses parents et la fratrie disposent de trois chambres réservées aux soins palliatifs, où ils peuvent vivre ensemble les derniers moments. Trois autres chambres sont en préparation, question de donner un peu plus de dignité à la mort.