Les parlementaires fédéraux ont une nouvelle fois interrompu leurs vacances estivales, vendredi pour se pencher sur la crise des isotopes médicaux, mais l'exercice s'est déroulé en l'absence de plusieurs témoins jugés cruciaux par les partis d'opposition.

Libéraux, bloquistes et néo-démocrates ont reproché aux conservateurs d'avoir écarté les médecins et les experts du domaine de la physique nucléaire de la liste de témoins pour le comité. A leur avis, l'objectif du gouvernement était de «museler» ces spécialistes qui sont en première ligne dans la lutte contre le cancer et les maladies cardiaques.

Le président de l'Association des médecins spécialistes en médecine nucléaire du Québec, François Lamoureux, et le président de l'Association canadienne de médecine nucléaire, Jean-Luc Urbain, figureraient parmi les personnes volontairement tenues à l'écart de la rencontre.

«Nous avons besoin de témoignages non seulement sur la production d'isotopes, mais bien sur l'impact de cette pénurie», a fait valoir le porte-parole libéral en matière de ressources naturelles, Geoff Regan.

Le député d'Halifax-Ouest croit par ailleurs que les conservateurs ont délibérément mis à l'horaire le comité des ressources naturelles un vendredi après-midi, un moment où l'attention médiatique est faible, pour «cacher leur incompétence».

Pour sa part, la bloquiste Paule Brunelle a déploré qu'il n'y ait pas de médecins sur la liste de témoins et a noté l'absence du ministre québécois de la Santé, Yves Bolduc, ajoutant qu'il avait pourtant été invité. «Mais tout est tellement à la dernière minute», a-t-elle souligné.

Le ministre de la Santé de l'Ontario, David Caplan, a toutefois pu témoigner par téléconférence à la fin de la réunion. A l'instar de son homologue québécois, M. Caplan estime que le fédéral devrait rembourser aux provinces les coûts engendrés par la pénurie.

Pour l'Ontario uniquement, la facture pourrait dépasser les 12 millions $. Le ministre dit avoir écrit au gouvernement Harper à la fin juin à ce sujet. Les conservateurs disaient pourtant la semaine dernière n'avoir pas encore reçu de demande officielle de la part des provinces. M. Caplan dit avoir été «découragé» par la réaction d'Ottawa à sa missive.

Il dit souhaiter des mises à jour régulières sur la situation à Chalk River ainsi qu'un engagement ferme que la centrale sera réparée.

La pénurie d'isotopes médicaux n'est pas près de se résorber puisqu'Energie atomique du Canada (EACL) a confirmé vendredi que la production ne reprendrait pas à Chalk River avant le premier trimestre de 2010 puisque des réparations étaient nécessaires à neuf endroits sur le réacteur.

La direction de l'entreprise a par ailleurs confié qu'elle s'attendait à ce que le gouvernement l'aide à défrayer le coût des travaux.

Pour la libérale Carolyn Bennett, elle-même médecin, la pénurie devient intenable. «Cela signifie que des gens qui savent qu'ils ont le cancer ne savent pas à quel point ce cancer a progressé. Si vous ne savez pas comment le cancer évolue, vous ne pouvez pas commencer les traitements. Cela est très dévastateur pour tellement de familles à travers le Canada», a-t-elle insisté.

Le conseiller spécial de la ministre fédérale de la Santé sur les isotopes, Sandy McEwan, s'est lui aussi dit préoccupé par le sort des patients. Il a souligné que toutes les régions du pays n'étaient pas touchées de la même manière par la crise.

«L'Ouest semble généralement s'en tirer mieux que les petites régions urbaines de l'Ontario et du Québec», a-t-il révélé devant le comité. Les causes de ce phénomène ne sont cependant pas connues pour le moment.

Le Canada n'est pas seul à subir les contrecoups des avaries de cet établissement, qui produit le tiers de tous les isotopes du monde, en dépit de ses 50 ans.

Robert Atcher, président de la International Society of Nuclear Medicine, a rappelé aux membres du comité à quel point la production d'isotopes canadiens était cruciale dans le traitement des patients à l'étranger.

«Environ 50 pour cent du matériel utilisé aux Etats-Unis est produit par ce réacteur, et cela représente un problème énorme pour nous lorsque ce réacteur ne fonctionne pas», a-t-il noté.

Il a expliqué que les méthodes alternatives à l'utilisation d'isotopes sont généralement plus chères, moins précises ou nécessitent une exposition radioactive plus grande.

Les isotopes médicaux produits à Chalk River servent notamment pour le diagnostic et le traitement de maladies cardiaques, de cancers et de certains problèmes gastro-intestinaux.