Exaspérés par les contraintes administratives que veut leur imposer Québec, les médecins menacent de ne plus pratiquer de nombreuses interventions dans les cliniques privées, notamment les avortements. Une décision qui aurait un impact important sur les listes d'attente.

Des ententes existent entre des hôpitaux et des cliniques privées pour y diriger des femmes qui veulent subir une interruption volontaire de grossesse.

 

Beaucoup d'hôpitaux sont en effet incapables de faire les avortements dans les délais requis en raison des listes d'attente élevées. D'autres ne pratiquent pas ce genre d'interventions au-delà d'un certain nombre de semaines de grossesse.

Tout risque de changer, affirme le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette. «C'est certain que les gynécologues-obstétriciens vont arrêter de faire ces interventions parce que ce qu'on leur impose comme lourdeur est trop grand. On impose aux cabinets privés des normes hospitalières.»

Le son de cloche est similaire du côté des médecins omnipraticiens du Québec qui pratiquent le plus grand volume des avortements.

«On se retrouve avec un carcan administratif, déplore le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, le Dr Louis Godin. Nous pensons qu'il y a un risque important que ça ne mette un frein à l'accessibilité parce qu'il y a probablement des médecins qui vont arrêter d'en faire.»

Le problème réside dans la teneur du projet de loi 34, à l'étude en commission parlementaire à Québec cette semaine. Dans un souci d'accessibilité aux soins et dans la foulée du jugement Chaoulli, le gouvernement veut encadrer une cinquantaine de procédures chirurgicales faites dans le privé.

À compter de l'automne, les cliniques devront être reconnues comme des cliniques médicales spécialisées. Elles devront obtenir un permis délivré par le ministre. Elles devront aussi se conformer à une série de règlements, autant en ce qui a trait aux installations, au personnel, aux procédures, jusqu'au code vestimentaire.

Si la clinique n'obtient pas de permis, elle devra cesser ses opérations ou devenir privée au sens où les médecins devront devenir non participants au Régime de l'assurance maladie du Québec.

Mais les médecins estiment que les règles administratives sont trop nombreuses. «Les gens vont simplement arrêter de faire ces procédures parce qu'ils n'ont pas besoin de ça pour vivre», lance le Dr Gaétan Barrette.

L'impact sur les avortements est important. En 2007, près de 5000 interruptions volontaires de grossesse ont été réalisées dans les cliniques privées et quelque 2800 dans les centres de santé des femmes. Environ 19 900 interventions ont été pratiquées dans les hôpitaux et les CLSC.

À la suite d'un jugement de la Cour supérieure du Québec, le ministère de la Santé et des Services sociaux rembourse par ailleurs 350$ pour chaque avortement pratiqué au privé, en plus des honoraires médicaux payés par la RAMQ.

Bien d'autres procédures faites au privé risquent d'être aussi abandonnées. Une décision qui aurait même un impact sur le projet de loi sur la procréation assistée. En campagne électorale, les libéraux s'étaient engagés à payer des frais de traitements de fertilité aux couples qui veulent avoir un enfant.

«Il est strictement impossible de faire de la fécondation in vitro dans le public au Québec. Il n'existe aucune ressource», souligne le Dr Barrette.

En commission parlementaire, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a expliqué qu'il voulait s'assurer de la sécurité entourant chacune des procédures.

«Dans les cliniques médicales spécialisées, ce sont des actes chirurgicaux qui sont pratiqués. C'est le pendant d'un bloc opératoire à l'hôpital. (...) Le fait d'avoir un agrément, un permis spécial est tout à fait indiqué.»

En fin de journée hier, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a par ailleurs indiqué que les centres de santé des femmes, des organismes à but non lucratif où se pratiquent notamment des interruptions volontaires de grossesse, ne seront pas soumis aux règles les contraignant à devenir des cliniques médicales spécialisées.