Les militants conservateurs du Québec ont remporté une importante victoire, hier. Après des semaines de pressions, les dirigeants du Parti conservateur ont accepté de créer une «nouvelle structure» au Québec dès janvier pour mieux tenir compte de la réalité de la «nation québécoise».

Les pressions en ce sens s'étaient intensifiées au lendemain des élections du 14 octobre, au cours desquelles les conservateurs n'ont remporté que 10 sièges au Québec, soit le même nombre qu'en janvier 2006, alors qu'ils en espéraient le double.Certains militants conservateurs n'hésitent pas à blâmer le bureau national du parti, qui désirait avoir la main haute sur la campagne au Québec, pour ces résultats mitigés. Et ils réclamaient des changements.

«On va créer une nouvelle structure pour tenir compte de la réalité québécoise. Nous avons commis quelques erreurs au Québec. La majorité des gens voulaient une nouvelle structure qui pourrait embaucher de bons organisateurs pour s'occuper de nos candidats», a confirmé à La Presse une source conservatrice qui a requis l'anonymat.

Le ministre des Travaux publics, Christian Paradis, qui est aussi le lieutenant de Stephen Harper au Québec, sera responsable de cette nouvelle structure. Pour l'heure, les stratèges hésitent à utiliser les mots «aile québécoise» pour la décrire. Ils ne veulent pas imiter le modèle du Parti libéral du Canada, qui a une aile québécoise indépendante du bureau national.

«Je veux faire en sorte que ça marche au Québec avec les conservateurs, qu'on ait une structure qui marche, qui soit comprise de tous. Je ne veux pas m'attacher aux mots. Je veux aller dans l'action», a dit le ministre Paradis.

Le ministre du Revenu, Jean-Pierre Blackburn, s'est réjoui de cette décision : «Les résultats de la dernière campagne électorale nous amènent à modifier des choses pour que l'on puisse élire plus de députés au Québec la prochaine fois», a dit M. Blackburn, qui participait hier au congrès national du Parti conservateur à Winnipeg.

«C'est une victoire et le concept de nation québécoise prend un sens. Ce n'est pas vrai qu'on peut faire du copier-coller au Québec. Il faut que ce soit adapté à notre réalité», a dit M. Blackburn à La Presse.

Résolutions contestées

Par ailleurs, les quelque 2000 militants réunis en congrès national depuis jeudi ont adopté hier une série de résolutions censées inspirer le gouvernement Harper dans les prochains mois. Ils ont notamment réclamé l'adoption d'une loi qui imposerait des peines plus lourdes aux individus qui, en s'en prenant à des femmes enceintes, blessent ou tuent l'enfant à naître.

Cette résolution contestée s'inspirait largement d'un projet de loi privé présenté au printemps par le député Ken Epp. Certains craignaient que ce projet de loi, qui n'a jamais été adopté, ne rouvre le dossier de l'avortement en ce qu'il proposait de considérer le foetus comme une victime à part entière en cas d'agression contre sa mère.

Après un débat quelque peu houleux, près de 60 % des délégués, dont le ministre de la Justice Rob Nicholson, ont appuyé la résolution. Toutefois, moins de 10 % de la centaine de militants du Québec l'ont approuvée. M. Nicholson a précisé qu'il présenterait un projet de loi sur cette question au cours de la session parlementaire qui commence mardi, mais il est resté vague sur son contenu.

Députée québécoise inquiète

La députée du Bloc québécois Carole Lavallée, qui assistait au congrès, s'est dite très inquiète de la décision des militants conservateurs. «La base militante du Parti conservateur fait toujours montre de valeurs de droite. Par leurs propositions, la condition féminine recule de 40 ans», a-t-elle affirmé.

Mais le ministre Jean-Pierre Blackburn a clairement fait savoir qu'il n'était pas question de rouvrir le débat sur l'avortement : «Je n'ai pas appuyé la résolution, mais on vit dans une démocratie. Je dois vous dire par contre que, même si cette résolution a été adoptée, c'est ce que nous avons dit en campagne qui va primer. Il n'est pas question de donner des droits au foetus.»

Avant de quitter le congrès pour se rendre à Washington, vendredi, le premier ministre Stephen Harper a aussi affirmé que son gouvernement était lié par son programme électoral et non par les résolutions adoptées en fin de semaine. Avant les élections, M. Harper avait aussi indiqué que son gouvernement s'opposerait à l'avenir à des mesures comme celle qu'avait proposée M. Epp.

Fidèles à leurs racines, les délégués conservateurs ont adopté d'autres résolutions visant à rendre le système de justice plus sévère. Ils ont notamment voté une résolution pour donner le statut de contrevenant dangereux et condamner à la prison à vie «tout individu reconnu coupable d'une troisième infraction violente grave, d'une infraction liée au crime organisé, d'un acte de terrorisme ou d'une infraction grave impliquant le trafic de drogue».

Ils ont aussi adopté une résolution qui vise à éliminer la possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans pour tout individu condamné à perpétuité.

Avec La Presse Canadienne