Plusieurs personnalités, sous l'égide du Mouvement laïque québécois (MLQ), estiment qu'il est urgent que le gouvernement se dote d'une Charte de la laïcité établissant la neutralité de l'État québécois.

Ce contrat social ferait en sorte que protestants, catholiques et musulmans agiraient comme des citoyens à part entière dans l'espace public et, par conséquent, renonceraient au port de tout signe religieux comme le crucifix, la kippa ou le voile.

Il en va du bon fonctionnement des institutions communes, ont dit tour à tour huit femmes d'origines diverses, jeudi en conférence de presse. Elles ont fait valoir que la question de la religion est en train d'attiser le feu du racisme.

Elles attribuent ce glissement à l'inaction et à l'attentisme du premier ministre Jean Charest et de la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine Saint-Pierre, ainsi qu'au silence de la Commission Bouchard-Taylor sur la place du religieux dans l'espace public.

«Nous craignons que cet attentisme de nos élus ne contribue à détériorer le climat social et politique au Québec», a avancé Marie-Michelle Poisson, présidente du Mouvement laïque québécois.

Elle a rappelé que lors du dépôt du rapport de la Commission Bouchard-Taylor le gouvernement et les partis d'opposition sont allés à l'encontre de la recommandation de retirer le crucifix de l'Assemblée nationale. «Pourtant ce geste symbolique puissant aurait exprimé une volonté d'engagement ferme et résolu en faveur du principe de la neutralité de l'Etat et aurait été un exemple pour l'ensemble de la société», a fait valoir Mme Poisson.

Elle a de plus reproché au gouvernement Charest d'avoir «renié» l'avis du Conseil du statut de la femme, un organisme consultatif, qui a «clairement recommandé l'interdiction du port de signes religieux au sein de la fonction publique».

De passage à Richelieu, en Montérégie, le premier ministre Charest a déclaré que le Québec est une société d'ouverture et il a dit ne pas voir l'utilité d'une charte de la laïcité à ce stade-ci.

«C'est une situation qu'on va suivre, au fil des événements, a dit le premier ministre. Si ça devait changer, on pourra toujours réagir, mais pour l'instant je pense qu'il y a un apaisement dans ce dossier qui témoigne du fait que le débat a été fait à la satisfaction des Québécois et qu'on peut répondre aux cas particuliers sans à chaque fois tout remettre en question.»

Les membres du collectif considèrent que le port de signes religieux dans l'espace public, par les fonctionnaires et au sein des organismes publics, conduit à la ghettoïsation. La religion est une croyance personnelle à vivre en privé, font-elles valoir.

Le collectif est formé, outre Mme Poisson, de Djemila Benhabib (auteur de «Ma vie à contre-Coran»), Marie-Andrée Bertrand (Université de Montréal), Fatmar Djebbar (travailleuse communautaire dans Côte-des-Neiges), Louise Mailloux (professeur de philosophie), Andréa Richard (auteure de «Au-delà de la religion»), Hafida Oussedik (architecte) et Caroline Moreno (romancière et essayiste).

Elles plaident en faveur d'une véritable laïcité des institutions publiques ainsi que de la redéfinition d'un contrat social faisant état des droits et obligations de tous les citoyens envers les institutions communes.

«Tout agent public, tout collaborateur du service public a un devoir de stricte neutralité religieuse et politique», a fait valoir la porte-parole du MLQ.

Pour sa part, l'auteure de «Ma vie à contre-Coran», Djemila Benhabib, d'origine algérienne, a déploré que si peu de femmes de culture musulmane se manifestent publiquement. Elle reconnaît du même souffle que «celles qui se réclament de la liberté, de l'égalité et de la laïcité font fatalement l'objet de menaces et d'intimidation».

Elle a confié avoir été l'objet de menaces de mort, sur Internet, la semaine dernière à la suite de sa réaction à la position prise par la Fédération des femmes du Québec qui s'oppose à l'interdiction du port de signes religieux au sein de la fonction publique et des services publics québécois. Elle a dit y voir l'urgence pour les gouvernants de lancer le débat sur la laïcité.