Ses souliers sous l'escalier, sa casquette sur le vieux divan et son manteau ensanglanté trouvé dans un conteneur à déchets constituent les dernières traces du passage de David Nyagahene Mutunzi dans un appartement de Montréal-Nord, le soir du 24 novembre 2007.

Malheureusement, ce sont aussi les dernières traces de son passage sur terre.

Même si son cadavre n'a jamais été trouvé, le garçon de 17 ans est mort, cela ne fait aucun doute. Trois de ses amis ont assisté, impuissants et médusés, à sa froide exécution le soir du 24 novembre 2007, dans l'appartement de l'un d'eux, dans la rue Forest. Les témoignages de ces jeunes hommes (deux frères de 20 ans et un ami de 17 ans) dont nous devons taire l'identité par ordre de la Cour, combinés aux preuves circonstancielles et scientifiques, ont convaincu un jury de la culpabilité de Marchath Marseilles. Dimanche, au terme d'un procès de deux semaines, l'homme de 20 ans a été déclaré coupable du meurtre sans préméditation du jeune David.

Le meurtrier et sa victime se connaissaient, puisqu'ils avaient fréquenté l'école secondaire Henri-Bourassa en même temps, mais ils n'étaient pas amis. Malgré son jeune âge, 18 ans à ce moment, Marseilles conduisait une rutilante Cadillac blanche. Dans la journée, il avait fait une petite livraison de marijuana à l'appartement de la rue Forest. Le soir, contre une légère rémunération, il était censé conduire David et deux de ses amis au Level, un club de Laval. Au lieu, il a sorti une carabine et a tiré dans le front de David. Il n'y a cependant pas de mobile apparent à cet horrible crime, hormis le fait que Marseilles trouvait que David était un «petit con». Marseilles, qui porte le surnom évocateur de «Killa», pourrait avoir tiré pour montrer aux autres qu'il était un dur. C'est ce que pense la mère de la victime, Liliane Kabinoshi Muwamba. Elle se demande aussi si Marseilles a réalisé la gravité de son geste, avant de faire feu sur son fils.

Comme les trois autres témoins, Marseilles a fui les lieux après avoir abattu David, autour de 19 h, le soir fatidique. Mais la preuve démontre qu'il est revenu dans la soirée avec un homme, de race noire comme lui, qui n'a jamais été identifié. L'appartement a été nettoyé, comme l'a prouvé le test au luminol, et le corps a été transporté on ne sait où. Dans le coffre de sa Cadillac, les policiers ont retrouvé du sang de David. Marseilles a été arrêté deux jours après le crime. Le plus jeune des témoins, âgé de seulement 15 ans, en avait parlé à ses parents, et la police avait été alertée. Le même jour, la mère de David, folle d'inquiétude après de vaines recherches, signalait la disparition de son fils.





Photo tirée du procès

David avait enlevé ses souliers avant d'entrer dans le logement de la rue Forest. Ils sont restés là.

Où est le corps ?

Ce crime insensé et gratuit a bouleversé bien des vies, à commencer bien sûr par la famille de David, qui n'a jamais pu véritablement faire son deuil, en raison de l'absence du corps. Pour cette raison, jusqu'à présent, la famille ne s'est jamais résolue à organiser des funérailles à David. Sa mère espère toujours que Marseilles, dans un élan d'humanité, révèle l'endroit où il a disposé du corps. «Je ne sais pas comment un jeune peut faire pour vivre avec ça. C'est un secret très lourd à porter», a confié Mme Kabinoshi, il y a quelques jours, alors qu'elle attendait le verdict. Aujourd'hui, elle s'adressera à la Cour dans le cadre des représentations sur la peine à imposer à Marseilles. Le meurtre au deuxième degré entraîne automatiquement l'emprisonnement à vie, sauf qu'il permet à l'accusé d'aspirer à une libération conditionnelle après avoir purgé une partie de sa peine. Cette période d'incarcération obligatoire, qui ne peut en aucun cas être inférieure à 10 ans, doit être fixée par le juge qui a présidé le procès. Dans ce cas-ci, il s'agit du juge James Brunton. C'est Me Jacques Dagenais qui représente la Couronne, tandis que Marseilles est représenté par Me Normand Boudrault. L'accusé n'a pas témoigné, et on ne sait à peu près rien de lui, hormis le fait qu'il avait une conjointe et une fillette de quelques mois lorsqu'il a commis le crime.

Photo tirée du procès

La Cadillac blanche de Marchath Marseilles, qui aurait servi à transporter le corps. Un peu de sang de la victime se trouvait dans le coffre.