Une impressionnante perquisition menée dans la région de Mont-Joli, près de Rimouski, dans la nuit de jeudi à hier, a provoqué tout un branle-bas de combat de l'escouade tactique de la Sûreté du Québec, dans un quartier chaud du centre-ville de Montréal, hier matin.

Au total, 1200 kg de dynamite, destinée au chantier de construction des bases de béton d'un complexe éolien à Saint-Ulricde-Matane, ont été saisis, dont 200 kg au deuxième étage d'un petit duplex de la rue Logan.À Montréal, l'opération policière a commencé peu après 9h30, hier matin. La SQ a appelé les policiers de Montréal afin qu'ils bouclent et ferment à toute circulation un imposant périmètre dans le secteur Centre-Sud, entre la rue Ontario et le boulevard de Maisonneuve, de la rue d'Iberville à la rue Parthenais.

Quelques maisons et établissements aux abords du lieu de perquisition, au 2349, rue Logan, ont même été évacués. Les pompiers et la Société de transport de Montréal ont prêté leur concours à l'opération.

Lors d'un premier point de presse organisé en catastrophe vers 11h45, la SQ a confirmé que, après une enquête d'une semaine, trois individus avaient été appréhendés la nuit précédente dans le stationnement d'un restaurant Tim Hortons au bord de la route 132, dans le Bas-Saint-Laurent.

Les explosifs se trouvaient dans une fourgonnette. La circulation a été détournée durant plus de trois heures, ce qui a causé tout un émoi dans la communauté.

Plus tard, en fin d'après-midi, les trois suspects, Sébastien St-Pierre, 29 ans, de Montréal, Yvan Perreault, 65 ans, de Sainte-Anne-des-Plaines, et Stéphane Fournier, 35 ans, de Saint-Moïse, près de Matane, devaient comparaître au palais de justice de Rimouski sous divers chefs d'accusation, dont possession illégitime de matières explosives, vol de substances explosives, introduction par effraction et possession d'arme à feu. La porteparole de la SQ à Montréal, Joyce Kemp, a indiqué que les hommes sont liés à des motards criminels.

D'autres arrestations pourraient avoir lieu dans les prochains jours.

Un peu plus tôt, à Montréal, rue Logan, les policiers de la Ville de Montréal ont épaulé les artificiers de la SQ, arrivés vers 14h, pour sortir les explosifs de la maison.

Calmement, sous le regard ébahi du voisinage et des nombreux badauds, ils ont descendu une douzaine de caisses de dynamite.

Le propriétaire du petit duplex, passablement secoué, a indiqué à La Presse que son locataire, Sébastien, venait tout juste d'aménager au-dessus de chez lui, il y a une quinzaine de jours.

«Il m'a dit qu'il était en train de lancer une compagnie, mais je n'aurais jamais pensé que c'était une compagnie d'explosifs, a lancé Daniel Blanchette, au bord des larmes. Je suis sous le choc. Ce n'est pas très intelligent de garder des explosifs dans un logement, a-t-il ajouté, il y a des familles, des enfants dans le quartier.»

Un explosif très puissant

Quant aux explosifs, il s'agissait de «cordeau détonant», une sorte de dynamite qui a la forme d'un fil recouvert d'une gaine, marchandise hautement réglementée par le fédéral et souvent utilisée dans le sol des chantiers de construction.

Le cordeau détonant, dont la vitesse de détonation atteint de 6 à 8km/seconde, a la particularité d'être très puissant. Sur le marché noir, chaque centimètre de fil peut se négocier à prix d'or.

«Les 1200 kg auraient pu faire facilement exploser des maisons dans un rayon de 1000 mètres à la ronde. C'est comparable à ce qu'utilise l'armée», a expliqué Robert Tremblay, pyrotechnicien membre du Regroupement des artificiers du Québec.

Selon ce que La Presse a appris de dirigeants du milieu éolien de Mont-Joli et de Matane, la dynamite en question aurait été volée à un sous-traitant en dynamitage de la compagnie Northland Power, un groupe ontarien qui a coulé 38 bases de béton d'éoliennes depuis le début de ses travaux, au mois d'avril dernier.

En principe, les travaux devraient cesser en novembre pour reprendre au mois de juin. Les explosifs volés se trouvaient dans une carrière du sous-traitant, mais il a été impossible de savoir de quelle façon ils étaient entreposés et comment les individus avaient pu pénétrer sur les lieux.

Le gérant de Northland Power, Peter Hanson, joint au téléphone, s'est borné à dire que l'information serait dévoilée la semaine prochaine, sans plus.

Hier, en fin d'après-midi, le calme était revenu dans le quartier Centre-Sud, à Montréal, où plusieurs résidants disent qu'il ne se passe pas une semaine sans que leur vie ne soit troublée par des fusillades, des bagarres ou des appels à la bombe. «Ça ressemble à Montréal-Nord, ici. Il ne faut pas se promener seul après minuit», a déploré l'un d'eux.

La saisie des explosifs à l'angle des rues Fullum et Logan a par ailleurs forcé l'évacuation des 200 élèves de l'école primaire Champlain. Mais à l'heure du midi, hier, la directrice, Julie Simard, a remis une note écrite aux enfants et aux parents pour leur dire que tout était rentré dans l'ordre et qu'il y aurait classe en après-midi. Des parents rencontrés sur place, peu rassurés, ont indiqué à La Presse que leurs enfants resteraient à la maison en après-midi.

«Je suis vraiment stressée», a affirmé Josée Woods, venue chercher son fils à l'heure du midi.

«Je vous en parle et j'ai les jambes qui tremblent. C'est sûr qu'on a peur pour nos enfants quand des événements comme ceux-ci se produisent.» Aucun élu de la Ville de Montréal n'a été aperçu sur les lieux de la perquisition.