L'opposition libérale a durement critiqué, mercredi, le discours d'ouverture du premier ministre François Legault, qu'elle accuse d'outrage au Parlement pour avoir d'abord partagé son texte avec les médias plutôt qu'avec les parlementaires.

Or, c'est le privilège des élus d'être les premiers à prendre connaissance des affaires du Parlement.

Le leader parlementaire de l'opposition officielle, Sébastien Proulx, s'est aussitôt levé de son siège au Salon bleu. « Il y a manifestement, et à première vue, outrage à nos règles », a-t-il déclaré.

« Ce n'est pas banal, ce qui s'est passé, a-t-il insisté en point de presse. Déjà, dès le départ, un faux pas aussi important... »

Exercice de relations publiques, discours électoraliste, partisan, sans élévation, ni lyrisme, sans vision cohérente, les partis d'opposition à l'Assemblée nationale n'ont pas manqué de qualificatifs, mercredi, pour décrire le discours d'ouverture de M. Legault.

Selon le chef intérimaire du Parti libéral du Québec (PLQ), Pierre Arcand, le premier ministre a livré un discours écrit par des sondeurs, rempli de mots-clés tels que « audace, humanisme et proximité ».

Il a noté que la promesse de M. Legault de réduire à 90 minutes le temps d'attente dans les urgences était complètement disparue.

Aucune mention non plus des engagements pris auprès des municipalités et des groupes de lutte à la pauvreté. Pas un seul mot sur les logements sociaux et la santé mentale.

M. Legault a attendu à la 57e minute pour parler de santé, a déploré M. Arcand. Alors qu'il disait en campagne électorale vouloir « déchirer » l'entente avec les médecins spécialistes, le chef du gouvernement parle désormais de « réajustement du mode de rémunération », ce qui n'est pas du tout la même chose, a-t-il souligné.

Concernant la lutte aux changements climatiques, M. Legault essaie de gagner du temps, estime-t-il, en affirmant qu'il est impossible de savoir si les cibles du Québec en matière de réduction de gaz à effet de serre (GES) pourront être atteintes en 2020.

Enfin, selon les libéraux, M. Legault ne pourra créer de la stabilité en éducation s'il réalise sa promesse d'abolir les commissions scolaires.

L'audace de ne rien dire

Du côté du Parti québécois (PQ), on estime que le gouvernement rate la cible lorsqu'il promet la maternelle 4 ans universelle, qui « n'est même pas demandée par les parents ».

Et le premier ministre a eu « l'audace de ne rien dire », notamment sur la protection du français, a déploré le chef intérimaire du PQ, Pascal Bérubé, qui a été particulièrement cinglant à l'endroit du nouveau gouvernement.

« Il y a beaucoup de monde qui ont applaudi les ministres, les députés, les invités et aussi le crime organisé », a-t-il lâché.

« On vient de confirmer que 21 ans, ça sera l'âge pour consommer du cannabis. Alors, les jeunes de 18 ans, de 19 ans, de 20 ans qui nous écoutent ou qui seront informés de ça, ont dû se dire : "Le premier ministre nous a dit d'attendre 21 ans, c'est certainement ce qu'on va faire. " Mais le crime organisé a pris des notes », a-t-il déclaré sur le ton de l'ironie.

Le PQ et Québec solidaire (QS) se sont par ailleurs réjouis que le gouvernement réitère son engagement de réformer le mode de scrutin au Québec.

Cela n'a pas empêché toutefois la chef parlementaire de QS, Manon Massé, de critiquer à son tour le discours d'ouverture et son manque d'envergure.

« Ce n'est pas parce qu'on répète constamment le mot "audace" que ça fait qu'on est audacieux », a-t-elle dit.

« Il me semble que ce que j'ai vu et j'ai entendu aujourd'hui m'apparaît aller tout à fait en continuité avec les politiques que le gouvernement libéral nous avait habitués dans la dernière législature. Et, dans ce sens-là, pour moi, ce n'est pas ça, d'être audacieux. »

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Ils ont dit...

« Le premier ministre François Legault avait fait campagne en promettant de former un gouvernement économique et les priorités énoncées dans le discours inaugural viennent confirmer cet engagement. À l'instar du premier ministre qui a rappelé que les progrès économiques du Québec ont souvent été liés à des mesures en éducation, nous croyons qu'il faut prioriser la formation, à tous les âges, pour préparer les travailleurs d'aujourd'hui et de demain aux défis du marché du travail. Les enfants doivent notamment maîtriser la littératie, la numératie et la littératie numérique, afin de répondre aux exigences futures. »

Stéphane Forget, président-directeur général de la Fédération des chambres du commerce du Québec (FCCQ)

« Le premier ministre a invoqué à plusieurs reprises le dévouement dont font preuve les profs. C'est touchant, mais c'est insuffisant. Les enseignantes et enseignants seront à même de juger l'audace dont le gouvernement fera preuve dans les moyens que le ministre de l'Éducation, mais aussi le ministre des Finances, mettront à leur disposition pour améliorer leurs conditions de travail, mais aussi les conditions d'apprentissage des élèves, ainsi que des moyens déployés pour défendre l'école publique. Il faudra plus qu'une multiplication de petits gestes pour donner à l'école publique les moyens de répondre à ses missions. »

Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

« Cette idée de "protéger" le budget de l'éducation répond à une de nos demandes qui était de s'assurer de ne pas jouer au yoyo avec le financement. On accueille donc cela positivement, mais également avec une certaine prudence. Il faudra voir comment cela s'appliquera dans le détail : une progression constante des budgets ne veut pas dire une progression suffisante. »

Sonia Éthier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)