C'est pour conserver une compagnie aux mains d'intérêts québécois et non pour favoriser sa propre compagnie qui était en lice pour l'acheter que Pierre Karl Péladeau a demandé l'intervention du gouvernement Couillard.

Le magnat de la presse et député péquiste de Saint-Jérome s'explique ce matin à la suite du reportage de La Presse qui révélait l'intervention du député en commission parlementaire auprès du ministre de l'Économie, Jacques Daoust. Deux compagnies seulement étaient dans la course pour acheter Vision Globale: Québecor Media international et le fonds américain Clearlake Capital, spécialisé dans le cinéma.

Sans mentionner son intérêt, M. Péladeau avait exhorté le ministre Daoust à favoriser le candidat québécois dans la course. Deux jours plus tôt, le Journal de Montréal révélait que les Américains étaient susceptibles de rafler ce «joyau» du secteur culturel québécois.

«Si je me suis placé en situation d'apparence de conflit d'intérêts en regard du Code d'éthique et de déontologie des députés de l'Assemblée nationale du Québec, je m'en excuse», écrit vendredi matin M. Péladeau sur sa page Facebook. Il promet aussi de «rapidement contacter le Commissaire à l'éthique pour clarifier cette question». Le commissaire Jacques Saint-Laurent a le pouvoir de déclencher une enquête sur cette situation s'il en reçoit la demande de la part d'un membre de l'Assemblée nationale.

«D'emblée, je veux être clair: jamais mes interventions dans ce dossier n'étaient motivées par mes intérêts ou ceux de Québecor» d'insister M. Péladeau, reconnaissant qu'«il est exact de dire que je me suis impliqué dans ce dossier».

«Je l'ai fait à titre de député de Saint-Jérôme, afin de favoriser le développement économique de la région des Laurentides», ajoute-t-il. Car devant la démolition imminente de l'aéroport de Mirabel, «j'ai pensé qu'il pourrait être pertinent de trouver des projets pour éviter la perte de cet actif de la région».

«Ma démarche était uniquement motivée par ma conviction sur l'importance de garder entre des mains québécoises le contrôle d'une de nos entreprises, d'autant plus que les Studios Mel's avaient bénéficié dans le passé d'appuis et de financement publics. Jamais il n'a été question de favoriser Québecor», insiste M. Péladeau.

Daoust surpris par l'intervention de PKP

Le ministre de l'Économie et du Développement économique, Jacques Daoust, a estimé vendredi que Pierre Karl Péladeau s'était avancé sur un terrain glissant lorsqu'il est intervenu auprès de lui à propos d'une transaction dans laquelle le conglomérat Québecor, qu'il contrôle, est impliqué.

Dans une entrevue, M. Daoust a estimé que M. Péladeau a tenté de favoriser son entreprise à l'occasion d'un échange lors de l'étude des crédits du ministère de l'Économie et du Développement économique.

«Il a demandé de favoriser la société québécoise: allez-vous faire quelque chose pour la société québécoise? Je n'ai pas le texte exact, mais ça revenait à ça. Entre vous et moi, on ne pensera pas que ce bonhomme-là a posé cette question-là en ne sachant pas ce qu'il faisait, ne sachant pas que Québecor soumissionnait», a dit le ministre.

M. Daoust a également confirmé que M. Péladeau était effectivement intervenu auprès d'un haut dirigeant, qu'il n'a pas identifié, concernant le projet de vente de Vision globale, notamment propriétaire des studios Mel's à Montréal.

Le ministre a affirmé qu'il avait été surpris par la maladresse de M. Péladeau quand il l'a invité à intervenir pour préserver la propriété québécoise de Vision globale, convoitée par Québecor et une entreprise américaine.

«J'étais surpris, je trouvais qu'on s'engageait sur un terrain glissant et la chose qui était primordiale pour moi et ce que je craignais à ce moment-là, c'est que d'aller loin dans cette discussion nous mène d'abord à mettre sur la place publique une transaction qui était en marche, où on essaie de sauver une entreprise, a-t-il dit en entrevue. Ma crainte, ce n'est pas compliqué, c'est que j'avais peur d'effrayer un des intéressés, je voulais protéger la transaction, c'est clair.»

Selon M. Daoust, qui était au courant que Québecor avait fait une offre d'achat pour Vision globale, une commission parlementaire n'était pas l'endroit pour discuter d'une transaction en cours.

«J'ai trouvé ça maladroit, a-t-il dit. Sur le coup j'ai pensé que ça ne se pouvait pas qu'il me parle de ça. Ce que j'ai essayé, c'est de l'évacuer le plus rapidement possible.»

- Avec Alexandre Robillard, La Presse Canadienne