Le nouveau gouvernement Trudeau pourrait se présenter à la conférence sur le climat de Paris sans cible chiffrée de réduction de gaz à effet de serre (GES) - un problème aux yeux des écologistes, qui croient que le pays ne pourra influencer les négociations s'il n'a pas d'objectif de réduction précis.

En entrevue à La Presse, Stéphane Dion, député de Saint-Laurent-Cartierville et pressenti pour devenir ministre de l'Environnement, a refusé de s'engager à fixer une nouvelle cible pour le Canada avant la conférence de l'ONU sur le climat, qui débute le 30 novembre à Paris.

«Notre première priorité est de nous asseoir avec les provinces pour voir avec elles ce qu'on peut établir comme objectif national. L'échéance de Paris arrive vite, mais l'important est de bien faire les choses», a dit M. Dion.

Contrairement au Nouveau Parti démocratique, le Parti libéral n'avait pas fixé de cible de réduction de GES pendant la campagne électorale, disant vouloir consulter les provinces.

Les groupes écologistes, eux, tiennent à cette cible.

«Je pense qu'il va y avoir énormément de pression sur M. Trudeau, à la fois au Canada et de la part des autres pays, pour qu'il arrive à Paris avec autre chose que de la bonne foi», dit Steven Guilbeault, cofondateur et directeur principal d'Équiterre.

«Le Canada ne doit pas arriver les mains vides à Paris, renchérit Rania Massoud, porte-parole de Greenpeace. Le gouvernement doit faire preuve d'ambition et fixer une cible plus ambitieuse pour 2025.»

Erin Flanagan, analyste technique à l'Institut Pembina, estime que le gouvernement Trudeau pourrait très bien fixer un objectif chiffré pour l'ensemble du pays, puis s'entendre avec les provinces sur la façon d'atteindre les cibles de réduction.

«Il faut que notre équipe de négociation ait un mandat clair et un plan chiffré afin de pouvoir influencer les négociations à Paris», plaide-t-elle.

Une «obsession»

Stéphane Dion, quant à lui, estime que la cible chiffrée est devenue une «obsession».

«C'est facile d'annoncer une cible - le NPD avait une cible. Mais il n'avait pas de plan pour l'atteindre. Nous, on a un plan», dit-il, détaillant notamment les investissements promis dans les technologies vertes et les transports en commun.

M. Dion rappelle aussi que le Canada a déjà des cibles: celles fixées par le gouvernement Harper, soit une réduction de 17 % d'ici 2020 et de 30 % d'ici 2030 par rapport au niveau de 2005.

«Au ministère de l'Environnement, on ne prévoit pas 17 % de réduction pour 2020, mais 0 %. Alors pour 2030, à cause de l'inaction de M. Harper, ça veut dire qu'il faudra couper nos émissions du tiers en dix ans», dit M. Dion, qui juge maintenant cette cible «exigeante».

Est-ce à dire que les libéraux comptent utiliser les anciennes cibles de M. Harper?

«Ce qu'on va dire au monde entier, c'est: "nous avons déjà une cible chiffrée, nous allons voir si on peut faire mieux"», répond M. Dion.

Malgré leurs réserves sur l'absence d'objectifs chiffrés, les groupes écologistes saluent l'engagement du nouveau gouvernement envers le climat.

«Ce gouvernement s'est engagé à collaborer pour limiter l'augmentation du climat à 2 degrés. C'est un changement significatif par rapport à M. Harper», dit Erin Flanagan, de l'Institut Pembina.

Stéphane Dion a par ailleurs refusé de se prononcer sur le déversement d'eaux usées prévu dans le fleuve Saint-Laurent par la Ville de Montréal.