(Ottawa) La plus grande part des 100 millions de Google ira aux médias écrits, a appris La Presse. La part de CBC/Radio-Canada et des radiodiffuseurs privés sera plafonnée. La réglementation de la Loi sur les nouvelles en ligne doit être publiée ce vendredi, soit un peu plus d’une semaine avant son entrée en vigueur.

Ces règlements définissent quelles plateformes devront conclure des ententes d’indemnisation avec les médias, sans quoi elles devront participer à un processus de négociation obligatoire supervisé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

« Une partie convenable » de l’indemnisation devra être utilisée pour la production du contenu de nouvelles locales, régionales et nationales.

La Presse a pu consulter une partie des documents. Peu de changements ont été apportés par rapport au projet de règlement qui avait été dévoilé en septembre. La formule pour calculer la compensation financière a été abandonnée, donc on ne sait pas combien verseraient d’autres géants du web qui pourraient éventuellement répondre aux critères de la loi.

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En vertu de cette formule, le ministère du Patrimoine canadien avait calculé que la part de Google s’élèverait à 172 millions et celle de Meta à 62 millions, pour un total de 230 millions. Finalement, les médias d’information obtiennent une somme moins importante.

Pour l’instant, la Loi sur les nouvelles en ligne s’applique uniquement à Google, le moteur de recherche le plus important au pays, qui s’est entendu avec le gouvernement pour verser une somme de 100 millions de dollars annuellement, indexée sur l’inflation. Cette exception est inscrite dans la réglementation. Même si cette somme est moindre que ce qui était d’abord prévu dans la loi, la nouvelle avait été bien accueillie par les médias à la fin de novembre.

La presse écrite obtiendra près des deux tiers des 100 millions. Le reste sera distribué entre les radiodiffuseurs privés et CBC/Radio-Canada. L’argent sera versé en fonction du nombre de journalistes à temps plein, mais la part du diffuseur public sera plafonnée. Les autres radiodiffuseurs seront touchés par un plafonnement distinct.

« Chaque piastre qui ira à Radio-Canada/CBC – qui reçoit autour d’un milliard et demi par année de l’État canadien – à partir de ce qui vient de Google ne s’en ira pas dans les Coops de l’information ou dans les hebdos, avait affirmé le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, lors de son bilan de l’automne mercredi. Ça n’ira dans aucun de ces endroits-là qui en ont dangereusement besoin. »

Exemption

« Même si nous restons d’avis que le projet de loi C-18 est fondamentalement erroné, nous sommes heureux que le gouvernement du Canada ait reconnu nos préoccupations et créé un cadre menant à une exemption dans le règlement final », a déclaré Google jeudi.

Google avait menacé de retirer les liens vers le contenu d’actualité pour se soustraire à la législation s’il ne parvenait pas à s’entendre avec le gouvernement avant l’entrée en vigueur de la loi le 19 décembre.

Le géant du web était « à quelques heures » de mettre sa menace à exécution lorsque le gouvernement lui a proposé une voie de passage, explique-t-on en coulisse. Il estimait notamment que le règlement proposé ne permettait pas de « fixer une limite définie » à la somme à verser.

Une critique répétée par Meta en comité parlementaire mercredi. La multinationale bloque les articles de nouvelles sur ses plateformes Facebook et Instagram depuis le mois d’août pour se soustraire à l’application de la loi. Elle n’a pas participé au processus de consultation pour l’élaboration du règlement.

Les plateformes doivent générer des revenus mondiaux d’au moins 1 milliard annuellement et compter au moins 20 millions d’utilisateurs mensuels pour être visées par la loi. Leurs activités doivent également impliquer la distribution et l’accès à du contenu de nouvelles en ligne au Canada.

La cheffe des politiques publiques de Meta pour le Canada, Rachel Curran, a affirmé que la multinationale américaine pourrait accueillir de nouveau le journalisme local sur ses plateformes Facebook et Instagram si elle bénéficiait d’une exclusion. L’entreprise n’a pas répondu aux questions de La Presse jeudi.

Cette tentative de négocier sur la place publique quelques jours avant la publication du règlement a fait sourciller au cabinet de la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge. « Meta veut une exemption sans donner d’argent, mais sans argent, il n’y a pas d’exemption possible », a indiqué une source qui n’était pas autorisée à parler publiquement.

Difficultés financières

Selon une enquête de chercheurs de l’Université Laval, le blocage des nouvelles sur Meta a contribué à miner la confiance des Québécois envers les nouvelles qu’ils consultent sur les réseaux sociaux et ils sont désormais plus nombreux à consulter les médias d’information traditionnels depuis.

La publication du règlement survient alors que des salles de nouvelles connaissent d’importantes difficultés financières. CBC/Radio-Canada a récemment annoncé qu’elle supprimait 800 emplois ; à TVA, ce sont 547 employés qui perdent leur emploi ; les Coops de l’information, qui regroupent six quotidiens régionaux, éliminent également 125 postes avec la fin de leurs éditions papier.

Les dirigeants de Cogeco craignent également de devoir procéder à une restructuration majeure dans leurs 21 stations de radio si le CRTC ne change pas le cadre réglementaire pour leur offrir plus de soutien financier.

Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance, La Presse

L’histoire jusqu’ici

22 juin : Le projet de loi C-18 sur les nouvelles en ligne obtient la sanction royale. Le même jour, Meta réitère son intention de bloquer l’accès aux nouvelles canadiennes sur ses plateformes.

29 juin : Google annonce qu’il va aussi bloquer l’accès aux nouvelles canadiennes en raison de l’adoption du projet de loi C-18. Mais le géant du numérique ne précise pas de date.

1er août : Meta commence à bloquer l’accès aux nouvelles.

1er septembre : Le gouvernement fédéral publie le projet de règlement encadrant la Loi sur les nouvelles en ligne.

29 novembre : Ottawa annonce avoir conclu une entente avec Google.