Au lendemain de sa rencontre avec des représentants de Meta, la ministre du Patrimoine canadien s’est entretenue avec La Presse

(Ottawa) La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, croit qu’il existe des « options tout à fait viables » qui permettraient au géant du numérique Meta de cesser de bloquer l’accès aux nouvelles canadiennes sur ses plateformes.

La ministre a dit avoir eu une première rencontre « positive et constructive » avec les représentants de Meta jeudi, même si les deux parties restent bien campées sur leurs positions.

Durant la rencontre, Mme Ste-Onge a affirmé que le gouvernement Trudeau n’avait guère l’intention de modifier la Loi sur les nouvelles en ligne. De leur côté, les dirigeants de Meta ont affirmé que cette loi demeurait inacceptable parce qu’elle obligerait le géant du numérique à verser des redevances aux médias canadiens pour la diffusion de leurs contenus sur ses plateformes.

PHOTO DARREN CALABRESE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien

Malgré tout, la ministre estime que cette rencontre a été « positive et constructive, mais surtout assez honnête ».

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« C’est sûr que Facebook est toujours contre la loi et je leur ai réitéré qu’il n’était pas question qu’on revienne en arrière », a indiqué Mme St-Onge dans une entrevue avec La Presse au lendemain de cette rencontre.

« Par contre, je leur ai dit que la réglementation qui va sortir va leur donner de la prévisibilité, de la compréhension sur la façon dont ça va fonctionner. Il y a des options qui sont tout à fait viables, respectueuses et financièrement acceptables pour Facebook. Je les ai invités à rester en communication avec mon bureau, à participer au processus de consultation qui va entourer la publication de la réglementation et à être ouverts d’esprit et faire preuve de bonne foi pour la suite des choses », a-t-elle exposé.

Adoptée en juin en dépit de la vive opposition du Parti conservateur, la Loi sur les nouvelles en ligne oblige les géants du web comme Meta et Google à verser une redevance aux médias canadiens pour le partage des nouvelles sur leurs différentes plateformes.

Meta et Google s’opposent vigoureusement à cette loi qui doit seulement entrer en vigueur en décembre. En signe de protestation, Meta a décidé au début du mois d’août de bloquer l’accès aux nouvelles canadiennes sur Facebook et Instagram, soulevant la colère du gouvernement Trudeau.

« Peu éthique »

Le blocage des nouvelles était en vigueur au moment où d’importants incendies de forêt faisaient rage dans l’Ouest canadien. Cachant mal sa frustration, le premier ministre Justin Trudeau a accusé les dirigeants de Meta de mettre « leurs profits, les profits de leur corporation, en priorité plutôt que le bien-être et l’information pour les Canadiens ».

Mme St-Onge a dit avoir soulevé cette décision « irresponsable » durant la rencontre.

Je trouve cela peu éthique de la part de Meta. On a tellement de difficulté à faire retirer de la désinformation et de la propagande haineuse de ces plateformes. Mais Mark Zuckerberg n’a aucun problème à empêcher les gens de partager des nouvelles journalistiques.

Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien

La période de consultation sur la réglementation qui doit encadrer la nouvelle loi commencera sous peu pour une période de 30 jours. Mme St-Onge, qui a également rencontré les dirigeants de Google depuis son arrivée à la tête du ministère du Patrimoine canadien, à la fin de juillet, croit qu’il est possible de trouver un terrain d’entente qui saura satisfaire toutes les parties.

« Absolument ! Je pense que ce que l’on propose, c’est quelque chose qui est équitable pour les plateformes et pour nos médias d’information. Il s’agit d’une base sur laquelle ils peuvent entamer des négociations avec un cadre qui est beaucoup plus précis et qui permet à toutes les parties d’avoir de la prévisibilité pour les prochaines années », a dit la ministre.

« J’ai bon espoir que si toutes les parties participent au processus de consultation qui entoure la réglementation, on va arriver à une place où tout le monde est à l’aise. Il ne faut pas oublier que l’objectif ultime des plateformes, c’est de ne pas aller en arbitrage, mais de négocier les ententes avec les médias qui vont permettre d’obtenir une exemption. De cette manière, la loi ne s’appliquerait pas à elles », a-t-elle ajouté.

Les réserves de Meta

Dans une déclaration transmise à La Presse, Meta a toutefois émis des doutes quant à la possibilité d’obtenir les modifications désirées durant la période de consultation.

« Nous avons rencontré la ministre à sa demande et entendons continuer à tenir le gouvernement informé quant à la fin de la disponibilité du contenu de nouvelles. Comme nous l’avons déjà dit, le processus réglementaire ne permet pas de résoudre les problèmes fondamentaux posés par la législation, et nous en avons fait part à la ministre », a-t-on indiqué.

Mme St-Onge a souligné que Meta avait conclu des ententes avec une poignée de médias canadiens, dont Le Devoir, le Toronto Star et le Globe and Mail, avant d’y mettre fin à la suite de l’adoption de la loi.

« Ce n’est pas quelque chose d’inédit. Il y avait une forme de reconnaissance de Facebook aussi comme quoi c’est quelque chose qui peut être intéressant pour leur business. Au lieu que ce soit juste Facebook qui décide avec qui il va faire des ententes, il y a une loi qui encadre tout cela. Il y a plus de 500 médias à travers le Canada qui ont fermé. Il y a des milliers de journalistes qui ont perdu leur job dans toutes sortes de marchés. Il faut donc qu’on trouve une façon de bien soutenir nos médias. C’est l’avenir de notre démocratie qui est en jeu. »

L’histoire jusqu’ici

22 juin 

Le projet de loi C-18 sur les nouvelles en ligne obtient la sanction royale. Le même jour, Meta annonce son intention de bloquer l’accès aux nouvelles canadiennes sur ses plateformes.

29 juin 

Google annonce qu’il va aussi bloquer l’accès aux nouvelles canadiennes en raison de l’adoption du projet de loi C-18. Mais le géant du numérique ne précise pas de date.

1er août 

Meta commence à bloquer l’accès aux nouvelles. Le gouvernement Trudeau qualifie cette décision d’irresponsable.

24 août 

La nouvelle ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, rencontre pour la première fois les dirigeants de Meta pour discuter de ce dossier.