Les électeurs de la circonscription de Jean-Talon, à Québec, vivront une troisième élection partielle en 15 ans après l’annonce de la démission de leur députée, Joëlle Boutin, mercredi, pour des « considérations familiales ». Cette dernière retourne au privé dans une firme de services-conseils du secteur du numérique.

« C’est probablement l’une des décisions les plus difficiles de ma vie », a-t-elle déclaré, mercredi, en point de presse.

Citant des « opportunités qu’on ne peut refuser », Joëlle Boutin a affirmé avoir pris cette décision en fonction de « considérations familiales » avant de s’ouvrir et de confier n’avoir la garde de ses enfants qu’une semaine sur deux.

« Souvent, quand j’ai mes enfants, je ne les vois presque pas. Donc j’ai envie de passer un peu de temps avec eux, surtout qu’ils sont à l’adolescence, je pense que c’est important », a-t-elle expliqué, l’émotion dans la voix.

Joëlle Boutin dit avoir rencontré le premier ministre du Québec, François Legault, mardi soir, afin de lui annoncer sa décision qui « était prise à ce moment-là ». Elle occupera un poste dans la firme de services-conseils Levio dès le mois d’août.

« Plus de détails suivront dans une communication officielle, lors de son arrivée en poste », a indiqué mercredi la responsable des communications de l’entreprise, Jacinthe Bellerive, en confirmant l’information.

« J’étais dans mon élément »

C’est un secret de Polichinelle que Joëlle Boutin, 43 ans, était déçue de ne pas avoir été nommée au sein du Conseil des ministres, mais la principale intéressée a assuré que cela n’a pas pesé dans la balance lorsqu’est venu le temps de prendre sa décision.

« J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler comme adjointe parlementaire à l’économie avec [le ministre] Pierre Fitzgibbon. J’ai travaillé sur des dossiers super intéressants. J’étais dans mon élément », a-t-elle affirmé.

Elle a longuement vanté son bilan à titre de députée de Jean-Talon, sans toutefois parler spécifiquement de celui de la Coalition avenir Québec (CAQ).

Titulaire d’une maîtrise en administration publique de l’Université Concordia, cette spécialiste des relations publiques – et ex-pilote d’avion – avait dû se contenter de devenir adjointe parlementaire de Pierre Fitzgibbon, pour les volets sciences et innovation.

Joëlle Boutin avait elle-même été élue au terme d’une élection partielle tenue en 2019 pour remplacer le député libéral sortant Sébastien Proulx. Sa démission entraînera à nouveau un scrutin en plein mandat de la CAQ dans la circonscription de Jean-Talon.

Une élection partielle à 585 000 $

Un décret qui ordonne la tenue d’une élection partielle doit être pris par le gouvernement au plus tard six mois à partir de la vacance du siège de député, c’est-à-dire le 31 juillet prochain dans le cas de Joëlle Boutin, a indiqué une porte-parole d’Élections Québec, Julie St-Arnaud Drolet.

Le coût de cette élection partielle à venir, la troisième qui aura lieu dans Jean-Talon depuis 2008, est aujourd’hui estimé à environ 585 000 $ par l’organisme.

Il s’agira également de la deuxième depuis les dernières élections générales après la tenue d’une journée de vote en mars dernier pour remplacer la cheffe sortante du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, dans la circonscription de Saint-Henri –Sainte-Anne.

L’élection partielle pour remplacer Joëlle Boutin s’annonce déjà serrée. L’étoile de la CAQ a pâli récemment dans la région de Québec à la suite de l’abandon par le parti de sa promesse de construire un 3lien entre la capitale nationale et Lévis. D’après le site de projections électorales Qc125, le PQ serait en tête dans Jean-Talon avec 31 % des voix, contre 27 % pour Québec solidaire. La CAQ se trouverait au troisième rang, à 25 %, tandis que le Parti libéral se contenterait de 11 %. Le Parti conservateur n’aurait que 4 %.

Des réactions dans l’opposition

Les réactions à l’annonce de sa démission n’ont pas tardé mercredi, autant de la part de ses collègues à la CAQ que de l’opposition à Québec.

« Je tiens à saluer le service public de Joëlle Boutin. Je constate que François Legault aura été incapable de conserver une députée compétente et dévouée », a souligné le chef de l’opposition officielle, Marc Tanguay.

« Être députée est un travail exigeant, alors je tiens à saluer Joëlle Boutin et lui souhaiter bonne chance dans ses nouvelles fonctions. J’ai aussi une pensée pour les citoyens et citoyennes de Jean-Talon qui, une fois de plus, se retrouvent sans député en plein mandat », a indiqué pour sa part le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

Saluant le passage de Joëlle Boutin en politique, le député du Parti québécois Joël Arseneau affirme que l’élection partielle à venir sera « un test » et que « tout peut arriver ». « Nous serons prêts et nous incarnerons une réelle alternative pour les citoyens de Jean-Talon qui auront l’occasion de choisir un parti cohérent et un candidat ou une candidate du Parti québécois en qui ils pourront avoir confiance », a-t-il ajouté.

Avec Tommy Chouinard, La Presse

La circonscription de Jean-Talon

  • 46 714 électeurs inscrits
  • Joëlle Boutin y avait récolté 32,50 % des voix exprimées en 2022, devant le solidaire Olivier Bolduc (23,76 %), le péquiste Gabriel Coulombe (18,69 %), la libérale Julie White (13,51 %) et le conservateur Sébastien Clavet (10,36 %).
  • 92,5 % des électeurs y parlent le plus souvent français à la maison contre 82,2 % pour l’ensemble de la province