(Ottawa) Les députés et le personnel politique de la Chambre des communes devront faire leur deuil de TikTok : à partir de vendredi, il leur sera interdit d’installer l’application détenue par des intérêts chinois sur les appareils qui leur sont fournis.

Tous les « utilisateurs parlementaires » ont reçu lundi soir un message dans lequel ils ont été informés qu’à compter du vendredi 3 mars à 21 h, l’application TikTok ne pourra plus être installée sur les appareils gérés par la Chambre des communes, a fait savoir Amélie Crosson, du bureau du président de la Chambre, Anthony Rota.

À partir de ce moment, « il sera impossible d’accéder à l’infrastructure parlementaire ou aux services numériques internes à partir de tout appareil sur lequel l’application sera encore installée », a-t-elle ajouté dans un courriel.

Le gouvernement fédéral avait décrété, la veille, la mise à l’index de la populaire application de partage vidéo du géant chinois ByteDance pour la fonction publique, en citant le risque de sécurité « inacceptable » qu’elle représente. L’interdiction est entrée en vigueur mardi.

Le Parti conservateur n’avait pas attendu pour élargir la consigne à son caucus. « Le chef et tous les membres du caucus conservateur suspendront leurs comptes TikTok », a affirmé lundi Sebastian Skamski, directeur des relations médias du bureau de Pierre Poilievre. Le compte de ce dernier a rapidement été désactivé.

Celui du chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a également disparu.

« Pour des raisons de sécurité et afin de nous conformer à la directive de la Chambre des communes, tous les députés et le personnel du Bloc québécois supprimeront l’application TikTok de leurs appareils gérés par la Chambre », a indiqué mardi la formation politique sur Twitter.

Le whip en chef du gouvernement libéral a avisé ses élus qu’il fallait dire adieu au réseau social, y compris sur leurs appareils privés. « S’il vous plaît, supprimez l’application TikTok de tous les appareils mobiles et supprimez tous comptes associés (ceci inclut les appareils et comptes personnels) », leur a-t-il écrit.

Le compte du chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, fervent utilisateur de cette plateforme qu’il a beaucoup utilisée pour se faire connaître par la population à son arrivée aux commandes de la formation, est toujours actif. Le dirigeant compte cependant « prendre une pause » du réseau, a indiqué une porte-parole.

La Chambre des communes n’a pas autorité sur les appareils mobiles personnels des députés et du personnel politique.

L’application aussi interdite à Québec

Le gouvernement du Québec a aussi banni l’installation et l’utilisation de TikTok pour ses fonctionnaires. La mesure a été décrétée lundi par le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, et est en vigueur depuis mardi.

Il s’agit d’une interdiction de nature préventive. Aucune preuve ne démontre qu’un pays étranger espionnerait les employés de l’État au moyen de cette application.

Extrait d’un communiqué émis par le bureau du ministre Éric Caire

Le gouvernement Legault a confirmé mardi que cette directive concerne également les députés et leurs employés : ils doivent tous supprimer TikTok de leur appareil fourni par l’État, comme dans le cas des fonctionnaires.

Les ministres et les députés caquistes ont reçu la consigne de ne plus utiliser l’application, a indiqué le cabinet du premier ministre. François Legault et plusieurs ministres ont un compte TikTok. Chose certaine, ils n’enverront plus de messages à partir de maintenant, peu importe si l’appareil utilisé appartient à l’État ou non.

« Nous prenons acte de la recommandation de la présidence de l’Assemblée nationale. En conformité avec celle-ci, nos élu(e)s, ainsi que leur personnel, supprimeront l’application de leur appareil et ne l’utiliseront donc plus », a indiqué l’attaché de presse du premier ministre, Ewan Sauves.

Quant aux comptes existants, « aucun contenu [n’y] sera publié jusqu’à nouvel ordre », précise-t-il en ajoutant qu’une « réflexion est entamée » sur leur utilisation.

De son côté, l’Assemblée nationale a diffusé une directive mardi après-midi. « À titre préventif, en raison des enjeux de cybersécurité liés à l’utilisation de l’application TikTok, l’Assemblée nationale du Québec ne permet plus à son personnel administratif d’installer cette application sur les appareils de l’Assemblée nationale ni de se servir de ceux-ci pour utiliser l’application. » Et qu’en est-il des élus ? « Dans une même approche préventive, l’Assemblée nationale recommande fortement aux députés et à leur personnel d’agir de cette manière. »

Le Parti libéral du Québec (PLQ) et Québec solidaire ont annoncé qu’ils demandent en effet à leurs députés et leur personnel de supprimer l’application de leur appareil de l’Assemblée nationale. Le PLQ a demandé à tous ses représentants de ne plus alimenter la plateforme.

Idem à Montréal

La Ville de Montréal a suivi la tendance.

« La Ville de Montréal a l’intention d’émettre une directive de retirer l’application TikTok des appareils mobiles fournis aux employés », a indiqué l’attachée de presse Marykim Gaudreault, au cabinet de la mairesse Valérie Plante. « Nous évaluons présentement les risques associés à l’utilisation de la plateforme en cohérence avec nos homologues provinciaux et fédéraux. »

« Le compte actuel [de la mairesse de Montréal] sera déconnecté », a-t-elle ajouté.

Un choix personnel

Tant à Ottawa qu’à Québec, aucune directive n’a été émise pour les utilisateurs privés. Les citoyens canadiens devraient être libres de « faire leurs propres choix », mais cette « première étape significative » les incitera peut-être à « réfléchir à leur propre sécurité », s’est contenté d’affirmer Justin Trudeau, lundi.

Dans une enfilade publiée sur Twitter, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) prévient qu’« une fois sur votre appareil mobile, TikTok collecte vos données personnelles », par exemple la liste de contacts, les données de calendrier, l’emplacement géographique et les disques durs, dont les disques externes.

« Les utilisateurs de l’application sont plus vulnérables aux cyberattaques », souligne l’agence.

De son côté, les responsables de TikTok ont réagi en affirmant qu’il était « curieux » de voir Ottawa bloquer son application « sans citer de problème de sécurité précis, sans [les] contacter pour poser des questions, et peu après l’introduction d’interdictions semblables par l’Union européenne et les États-Unis ».

Avec la collaboration de Vincent Larin et de Philippe Teisceira-Lessard, La Presse