(Québec) L’appel d’offres d’une envergure sans précédent pour le recours à de la main-d’œuvre indépendante dans le réseau de la santé est suspendu à la suite d’une plainte déposée à l’Autorité des marchés publics.

La décision du Service électronique d’appel d’offres (SEAO) tombe le jour même où La Presse rapporte les inquiétudes du plus important regroupement d’agences privées de placement, qui dénonçait l’introduction de nouvelles clauses contraignantes. L’appel d’offres risquait, selon lui, de plonger le réseau public de la santé « dans le chaos » en plus de « faire exploser les coûts » du recours à la main-d’œuvre indépendante en santé.

On peut lire sur le site du SEAO que l’appel d’offres controversé, d’une envergure sans précédent, est suspendu après le dépôt d’une plainte à l’Autorité des marchés publics (AMP). La date limite de réception et d’ouverture des soumissions, qui devait être le lundi 23 janvier, doit être reportée le temps du traitement.

Le président du regroupement des Entreprises privées de personnel soignant du Québec (EPPSQ), Patrice Lapointe, a été informé de la décision du SEAO jeudi. Il a confirmé que la plainte, qui a été déposée lundi dernier, provient d’un membre de son association, qui regroupe une vingtaine d’entreprises. Les éléments de la plainte sont essentiellement les enjeux décriés à La Presse, comme l’introduction d’un tarif unique.

« Ce qu’on trouve dommage, c’est qu’on s’adresse au CAG [Centre d’acquisitions gouvernementales], on n’a pas de réponse. On demande à parler au gouvernement, on n’a pas de réponse. On porte plainte à l’AMP, on n’a pas de nouvelles. Et là, on sort dans les médias, puis soudainement, il se passe quelque chose, déplore M. Lapointe. Est-ce que c’est la seule façon d’interpeller le gouvernement ? »

Ça nous laisse [avec la question :] est-ce que c’est notre sortie médiatique qui a fait bouger les choses ?

Patrice Lapointe, président des EPPSQ

L’AMP a indiqué être actuellement « en phase d’analyse » de la plainte. « Si cette analyse nous permet de conclure qu’il y a eu un manquement au cadre normatif applicable, l’AMP pourrait exiger des modifications de la part de l’organisme public et une décision pourrait également être rendue publique », soutient-on.

« Toutefois, si notre analyse ne permet pas de conclure qu’il y a eu un manquement, la suspension de l’appel d’offres public sera levée et le processus pourra être poursuivi par l’organisme public », explique l’organisme.

Le Centre d’acquisitions gouvernementales a lancé à la mi-décembre un appel d’offres pour combler des besoins estimés à plus de 8 millions d’heures de travail à effectuer par de la main-d’œuvre d’agences privées. Ce volume sans précédent est basé sur les besoins estimés par les CISSS et les CIUSSS de l’ensemble de la province pour la prochaine année. Les EEPSQ déploraient par ailleurs le court délai de 30 jours pour répondre à l’appel d’offres.

« Ce n’est pas banal, le CAG lance le plus gros contrat jamais vu dans notre industrie, qui couvre toute la province du Québec. Ils le font le 19 décembre avec la durée minimale permise par la loi, pas une minute de plus, et en changeant l’ensemble des règles du jeu. Historiquement, il y avait des rencontres avec les fournisseurs avant le lancement de l’appel d’offres. Tout ça a été aboli », dénonce M. Lapointe.

Dans l’appel d’offres, Québec introduit la notion de « tarif unique », ce qui veut dire qu’un soumissionnaire doit proposer un seul tarif par corps d’emploi, que le service soit offert à Montréal ou à Sept-Îles. Sinon, il est inadmissible.

Toujours dans cette stratégie d’encadrement, l’appel d’offres resserre aussi les critères de non-concurrence. Ainsi, une infirmière qui quitte le réseau public ne peut pas, pour une période d’un an, travailler en établissement pour une agence dans la même région administrative que son ancien employeur ni même « dans les régions limitrophes » – une disposition nouvelle.