(Ottawa) La police n’avait pas encore utilisé tous ses pouvoirs lorsque le gouvernement Trudeau a décidé de recourir à la Loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin au « convoi de la liberté ». C’est ce qu’a écrit la commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Brenda Lucki, au chef de cabinet du ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, le 14 février.

Quelques heures plus tard, le premier ministre Justin Trudeau informait ses homologues provinciaux qu’il allait invoquer cette législation afin de mettre fin aux manifestations qui paralysaient le centre-ville d’Ottawa depuis plusieurs semaines et aux barricades érigées à plusieurs postes frontaliers.

Le courriel de Mme Lucki envoyé après minuit dresse la liste des pouvoirs supplémentaires qui seraient utiles à la police pour déloger les manifestants et leurs camions. Elle conclut toutefois qu’ils ne sont pas nécessaires.

« Cela dit, je crois que nous n’avons pas épuisé tous les outils à notre disposition par l’entremise des lois existantes, écrit-elle. Il y a des cas où des accusations pourraient être portées en vertu des pouvoirs actuels pour différentes infractions au Code criminel qui ont lieu en ce moment durant cette manifestation. »

Elle ajoute que la déclaration de l’état d’urgence par le gouvernement de l’Ontario fournira d’autres outils dissuasifs dans leur coffre à outils.

« Ces outils existants font partie de nos plans actuels et seront utilisés en temps voulu au besoin », conclut-elle.

Dans son courriel, elle dresse une liste de pouvoirs que la GRC pourrait utiliser pour aider la police d’Ottawa et la Police provinciale de l’Ontario à mettre fin au « convoi de la liberté ». Il y en a six :

  • l’interdiction de réunion publique sur les routes, incluant certaines zones désignées comme les aéroports et les gares et la création d’un périmètre autour des édifices gouvernementaux et des postes de police
  • l’interdiction de fournir certaines ressources, comme de l’essence, au convoi de camions
  • le pouvoir de réquisitionner des camions-remorques
  • le pouvoir de brouiller les ondes cellulaires
  • l’interdiction de voyager à endroit où il est défendu de se rassembler
  • le pouvoir de rendre illégale la participation de mineurs dans une manifestation

L’interdiction d’amener des enfants ou des adolescents à un rassemblement illégal et celui de réquisitionner des camions-remorques faisaient partie des pouvoirs conférés par la déclaration de l’état d’urgence. Celle-ci a été révoquée dix jours plus tard, soit le mercredi suivant la vaste opération policière pour enlever les manifestants et les camions du centre-ville d’Ottawa.

La semaine dernière, le surintendant en chef de la Police provinciale de l’Ontario, Carson Pardy, avait également affirmé que les forces policières n’avaient pas besoin de la Loi sur les mesures d’urgence pour saisir ou faire remorquer des véhicules.

Le chef intérimaire de la police d’Ottawa, Steve Bell, a reconnu lundi que les forces de l’ordre disposaient déjà de pouvoirs pour agir, mais il avait également ajouté que la déclaration d’urgence fédérale avait créé « un environnement stable » pour exécuter leur plan d’intervention.

Il a indiqué qu’elle avait permis à la police d’accélérer l’assermentation des agents venus d’un peu partout au pays pour aider, de trouver des camions-remorques pour bouger les poids lourds qui bloquaient les rues, de mener des enquêtes sur les avoirs des participants – la loi permettait aux institutions financières de geler leurs avoirs – et d’avoir un cadre législatif très précis pour libérer le centre-ville.

L’enquête publique dirigée par le juge franco-ontarien Paul Rouleau doit déterminer si le recours historique à la Loi sur les mesures d’urgence était justifié. Plus de 65 personnes doivent témoigner lors des audiences qui ont débuté le 13 octobre et se poursuivront jusqu’au 25 novembre.

Son rapport final doit être remis au gouvernement d’ici le 6 février 2023. Le gouvernement devra ensuite le déposer à la Chambre des communes et au Sénat au plus tard le 20 février.