(Ottawa) Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, indique que toutes les options sont sur la table pour assurer la sécurité des élus fédéraux, dans la foulée du harcèlement verbal dont la vice-première ministre Chrystia Freeland a été la cible au cours des derniers jours.

« On travaille ensemble avec la GRC, avec le sergent d’armes sur la colline, avec toutes les forces policières qui offrent de la protection pour non seulement les [ministres], mais même pour tous les députés et ceux qui travaillent sur la colline », a-t-il dit lundi en point de presse.

M. Mendicino répondait alors à la question d’un journaliste lui demandant si Ottawa envisageait d’affecter un garde du corps à chaque ministre, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale.

« La situation est complexe [et] grave. On continue d’évaluer toutes les menaces et c’est la raison pour laquelle il faut rester vigilants », a-t-il ajouté.

Il a du même souffle qualifié d’« inacceptables » les agissements commis à l’encontre de Mme Freeland, ajoutant que les femmes et les personnes issues de la diversité sont disproportionnellement touchées par ce type d’incidents.

« Ce n’est pas seulement une menace envers les individus, leur famille ou leur équipe. C’est une menace envers notre démocratie », a insisté le ministre.

Sa collègue Karina Gould a noté, au cours de la même conférence de presse, avoir dû recourir aux services de la GRC par le passé parce qu’elle avait reçu des menaces. « Je suis reconnaissante du fait que cette protection soit disponible, mais je suis triste que ce soit quelque chose de nécessaire », a soutenu la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Karina Gould

La ministre des Femmes, de l’Égalité des genres et de la Jeunesse, Marci Ien, a pour sa part affirmé que les risques d’invectives ont été la source de la principale inquiétude de sa famille quand elle a décidé de se lancer en politique. Elle a évoqué les menaces auxquelles elle a fait face en tant que femme noire et ancienne journaliste.

Dans une vidéo relayée sur Twitter et captée au cours d’un passage de Mme Freeland en Alberta, vendredi dernier, on aperçoit un homme s’approcher de façon menaçante des portes d’un ascenseur dans lequel la vice-première ministre entrait.

On peut y entendre l’homme costaud crier des jurons et insulter celle qui est aussi ministre des Finances, lui disant notamment de quitter l’Alberta. Une femme lui lance aussi qu’elle « n’est pas à sa place ici ».

L’incident, ainsi que le harcèlement de façon générale, ont aussitôt été dénoncés par la classe politique, tant par des collègues que des adversaires de Mme Freeland.

Les membres du gouvernement de Justin Trudeau réunis lundi pour faire le point sur les délais de prestation de services gouvernementaux ont tour à tour appelé à un apaisement dans la façon d’exprimer ses désaccords dans tout débat public.

Un projet de loi promis par les libéraux depuis plusieurs années visant à s’attaquer à la haine en ligne n’a pas encore été déposé.

Le ministre Mendicino a assuré que le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, travaille assidûment sur ce dossier avec ses collègues. « Nous présenterons cette pièce législative aussitôt que possible », a-t-il dit. Les travaux parlementaires doivent reprendre le 19 septembre, après l’actuelle pause estivale.

Un doute sur la reconnaissance faciale au Parlement

Une étude préparée pour le Service de protection parlementaire indique que l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale comme outil de sécurité sur la colline du Parlement poserait des risques importants sur le plan juridique, de la vie privée et des droits de la personne — et pourrait même être illégale.

Elle prévient que la technologie pourrait être utilisée pour surveiller, suivre et identifier ou mal identifier une personne. Elle pourrait aussi conduire à des décisions qui entraîneraient des interpellations, des interrogatoires, des détentions ou des interdictions arbitraires d’entrer dans l’enceinte parlementaire.

Les conclusions sont dévoilées alors que plusieurs s’inquiètent de la sécurité des politiciens et de ceux qui participent à l’arène publique. Récemment, des députés et des journalistes — surtout des femmes et des personnes de couleur — ont fait l’objet d’injures et de menaces.

Le rapport a été achevé en avril par le Leadership Lab de l’Université métropolitaine de Toronto, à la demande du Service de protection parlementaire, qui a financé la recherche.

Les informations ont été recueillies grâce à des entretiens avec des membres des services de protection ainsi qu’avec des avocats, des universitaires et des personnes spécialisées dans la reconnaissance faciale.

Le Service de protection parlementaire affirme qu’il n’utilise pas — et qu’il n’a pas l’intention d’instaurer — la technologie de reconnaissance faciale, mais ajoute qu’il doit en savoir plus sur « les menaces et les technologies émergentes et en constante évolution » pour assurer la sécurité dans l’enceinte parlementaire.