(Ottawa) Le commissaire à la protection de la vie privée affirme que Postes Canada enfreint la loi en glanant des informations sur des enveloppes et des colis dans le but de dresser des listes d’envoi qu’elle loue à des entreprises.

Le bureau de Philippe Dufresne affirme que les informations recueillies pour ce programme de « listes de marketing » comprennent des données sur l’endroit où vivent les individus et le type d’achats en ligne qu’ils effectuent, en fonction du destinateur des colis.

Or, le commissaire a constaté que Postes Canada n’avait pas obtenu l’autorisation des Canadiens pour recueillir indirectement de tels renseignements personnels.

Dans un rapport sur l’enquête de son bureau à Postes Canada, M. Dufresne affirme que cette pratique constitue une violation de l’article 5 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Le commissaire a recommandé à Postes Canada de cesser d’utiliser et de divulguer les renseignements personnels de cette manière jusqu’à ce que la société d’État puisse demander et obtenir le consentement des Canadiens.

Mais M. Dufresne affirme que Postes Canada a refusé de prendre cette mesure corrective et il l’exhorte à reconsidérer sa décision.

Les conclusions de l’enquête ont été déposées au Parlement cette semaine en même temps que le rapport annuel du commissaire.

L’affaire a commencé lorsqu’un homme a reçu du matériel de marketing d’un restaurant de Toronto avec son nom et l’adresse complète de son appartement sur l’enveloppe.

Après s’être renseigné, l’homme a découvert qu’il avait reçu le matériel via le programme de marketing Intelliposte de son bureau de poste, qui avait organisé une campagne postale pour le restaurant.

Le bureau de M. Dufresne a ouvert une enquête après avoir reçu une plainte de l’homme.

Dans le cadre de ce programme, Postes Canada fait appel à des fournisseurs de services postaux qui préparent et envoient des envois postaux directs aux clients. Même si toutes les campagnes n’incluent pas l’adresse complète des destinataires, les informations marketing de Postes Canada indiquent que les gens sont plus susceptibles d’ouvrir le courrier leur étant adressé que celui qui ne l’est pas, indique le rapport du commissaire.

Il est interdit aux fournisseurs de services postaux de divulguer des listes de diffusion aux annonceurs. Ces fournisseurs doivent également protéger les informations colligées, puis détruire les listes une fois que la campagne pour laquelle elles ont été constituées est terminée.

Postes Canada affirme pouvoir préparer des listes de marketing basées sur 1200 attributs de ciblage disponibles, tels que l’état civil et familial, l’origine ethnique, les intérêts et les passe-temps.

La société d’État a souligné au bureau du commissaire qu’elle devait continuellement innover et trouver de nouvelles façons de diversifier ses sources de revenus à mesure que les volumes de courrier régulier diminuent. Elle a également affirmé que les recherches indiquent que les consommateurs aiment recevoir des offres marketing pertinentes par courrier.

Le commissaire à la protection de la vie privée n’était pas du même avis, affirmant dans son rapport que tous les Canadiens ne verraient pas la monétisation de leurs renseignements personnels d’un œil aussi positif.

De plus, Postes Canada a soutenu qu’elle avait la permission des ménages canadiens de livrer le courrier à leurs adresses et qu’il serait absurde de demander « une nouvelle autorisation de livrer leur courrier ».

Postes Canada a également suggéré que les particuliers pouvaient se retirer du programme par l’entremise de leur site web et, ne le faisant pas, les gens autorisent implicitement l’utilisation de leurs renseignements personnels pour le programme de marketing.

Le commissaire a également rejeté ces arguments.

Recommandations et mesures

En conséquence, l’organisme de surveillance a recommandé à Postes Canada de cesser d’utiliser et de divulguer des informations personnelles à des fins de marketing par courrier sans obtenir le consentement des individus.

Postes Canada a rejeté l’appel du commissaire, préférant améliorer la clarté de l’information sur son site web concernant son utilisation des renseignements personnels, accroître la visibilité du mécanisme de retrait et ajouter une brochure à ce sujet dans ses points de vente.

Le commissaire a déclaré qu’il saluait l’engagement visant à améliorer la transparence, car les informations sur l’utilisation par la poste des renseignements personnels dans le programme et le mécanisme de désinscription associé sont « actuellement difficiles à trouver et incomplètes ».

« Cependant, à notre avis, ces mesures ne constituent pas l’obtention d’une autorisation de la part des individus comme l’exige l’article 5 et, par conséquent, elles ne corrigent pas l’infraction à la Loi », relève le commissaire.

Celui-ci a invité Postes Canada à envisager des options possibles pour obtenir une autorisation, comme contacter des personnes par la poste, mais Postes Canada a laissé entendre que cela ne serait pas efficace.

Interrogée sur le rapport, Postes Canada a déclaré mercredi avoir fait savoir au commissaire qu’elle étudie « des moyens de mieux informer les Canadiens sur la façon dont leurs données postales sont utilisées, tout en décrivant leurs options ».