Le 1er juillet 1923 entrait en vigueur la Loi de l’immigration chinoise qui, dans les faits, barrait l’entrée au Canada aux Chinois. Du coup, l’immigration chinoise a été stoppée net, laissant d’innombrables familles divisées jusqu’à son abrogation en 1947. Aujourd’hui, tous reconnaissent le caractère raciste et injuste de cette mesure. Explications.

Avant la loi, la taxe

PHOTO MUSÉE MCCORD AVEC L’AIMABLE AUTORISATION DE KAREN TAM, DE MME YUK PING LEE ET DE LA FAMILLE DE MAUDE TOYE LEE ET ROBERT G. H. LEE

Exemples de certificats d’identité que devaient posséder les immigrants chinois au Canada au début du XXe siècle

La Loi de l’immigration chinoise a été précédée par l’imposition d’une taxe d’entrée aux immigrants chinois. Celle-ci a été imposée de 1885 à 1923, la somme exigée passant de 50 $ à 100 $ puis à 500 $. Il faut se rappeler qu’entre 1881 et 1885, le Canada a accueilli quelque 15 000 Chinois pour la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique. Mais en 1885, on ne voulait plus d’eux. En juin 2006, le gouvernement Harper a présenté ses excuses complètes pour cette taxe.

La Chine furieuse

PHOTO LA PRESSE, FOURNIE PAR BANQ

Article de La Presse du 6 septembre 1923

La Chine n’a pas du tout apprécié la décision du gouvernement canadien, révèle un article publié dans La Presse le 6 septembre 1923. Le consul général de l’époque, le DChilien Tsur, avait été rappelé par son pays. Traversant le Canada d’est en ouest et s’arrêtant à Vancouver, le DTsur a qualifié la loi fédérale d’« odieuse » et a prédit que celle-ci provoquerait une « impression de haine » dans son pays.

Un grand déséquilibre

PHOTO MAJOR JAMES SKITT MATTHEWS, ARCHIVES DE LA VILLE DE VANCOUVER

Hommes rassemblés pour une pause en 1936 à l’intersection des rues Pender et Carrall à Vancouver. Leur génération a été qualifiée de société de célibataires.

La loi sur l’exclusion s’est traduite par un immense déséquilibre démographique dans la population chinoise. Durant des décennies, les quartiers chinois du Canada comptaient bien plus d’hommes que de femmes. C’était le cas à Montréal. Selon un article publié sur le site de la Ville de Montréal, il n’y avait que 181 femmes comparativement à 2549 hommes dans la métropole en 1931 pour un total de 2730 personnes d’origine chinoise. En 1951, il n’en reste plus que 1819.

Des femmes néanmoins actives

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Karen Tam est une artiste multidisciplinaire québécoise d’origine chinoise.

Les Chinoises de Montréal ont pourtant toujours été très actives, rappelle l’artiste multidisciplinaire Karen Tam qui, jusqu’au 13 août, présente l’exposition Avaler les montagnes au musée McCord. « Je pense à Pauline Wong [Les Aliments Wong Wing], qui est très engagée dans le quartier pour des décennies. Il y avait aussi la grand-mère de la cinéaste Karen Cho, qui vendait des obligations de guerre, les infirmières de l’Hôpital chinois et les sœurs Edith et Winnifred Eaton, pionnières de la littérature asiatique en Amérique du Nord. »

Pas d’excuses, mais une reconnaissance

PHOTO BRITISH COLUMBIA HISTORICAL FEDERATION, PUBLIÉE SUR LE SITE DE PARCS CANADA

La loi de 1923 exigeait aussi que « toutes les personnes chinoises, même celles nées au Canada, s’enregistrent auprès du gouvernement et qu’elles soient munies d’un certificat d’identification avec photo, sous peine d’amende, d’emprisonnement ou d’expulsion », lit-on sur le site de Parcs Canada, au moment du classement de la loi comme évènement historique national. Ici, la jeune Mary Quan, en juin 1924.

Il y a quelques semaines, le gouvernement Trudeau a, à son tour, reconnu le fait que l’exclusion des Chinois avait perpétué le racisme en inscrivant l’exclusion des Chinois de 1923 à 1947 comme « évènement historique national ». « Bien qu’il n’y ait pas d’excuses officielles, le gouvernement du Canada reconnaît l’injustice de cette loi, nous dit le DWinston Chan, organisateur des célébrations du Mois du patrimoine asiatique. Pour moi, le plus important est de pouvoir éduquer le public à propos de cette loi et ses conséquences. »

1,7 million

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le Quartier chinois de Montréal, en mars 2020

Selon le plus récent recensement de la population canadienne, en 2021, on comptait 1,7 million de personnes d’origine chinoise au pays. Cela représentait alors 4,7 % de la population canadienne, évaluait Statistique Canada. De ce nombre, 28,4 % étaient nées au Canada. Au Québec, on comptait 121 445 personnes d’origine chinoise en 2016.

Sources : Encyclopédie canadienne, Statistique Canada, ministère de l’Immigration du Québec, Ville de Montréal, musée McCord, BAnQ