(Ottawa) La guerre en Ukraine a occupé une place importante, vendredi, alors que les Canadiens se sont rassemblés au pied de cénotaphes et de monuments commémoratifs un peu partout au pays pour se souvenir et rendre hommage à ceux et celles qui ont combattu sous le drapeau.

Les cérémonies du jour du Souvenir de cette année retrouvaient des allures plus normales après deux ans de restrictions liées à la pandémie, qui avaient forcé des commémorations réduites.

Et alors qu’on demandait aux Canadiens de se souvenir des sacrifices des générations passées, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a souligné les craintes et l’incertitude face à une nouvelle ère de guerre et de conflits — et la nécessité de défendre l’unité et la paix.

À Ottawa, des milliers de personnes, coquelicots à la boutonnière, ont assisté dans un silence grave à la cérémonie devant le Monument commémoratif de guerre du Canada. Une salve de coups de canon a retenti et des avions de chasse ont fendu le ciel d’Ottawa alors que l’horloge de la tour de la Paix sonnait 11 heures au parlement.

Dans sa prière prononcée lors de la cérémonie à Ottawa, la capitaine de vaisseau Bonita Mason, aumônière militaire, a souligné la guerre en cours en Ukraine avant d’appeler les Canadiens à mettre de côté leurs divisions.

« Nous recherchons le dialogue les uns avec les autres dans tous les domaines : social, politique et religieux. Afin que ce faisant, nous parvenions à une paix durable. Puissions-nous tous nous efforcer de poursuivre nos efforts pour construire un monde meilleur », a-t-elle dit.

Parmi les anciens combattants présents à Ottawa se trouvait John Geen, âgé de 93 ans, un cadet de l’air à la retraite et ancien réserviste de l’armée, dont le père avait combattu pendant la Première Guerre mondiale. M. Geen a lui aussi établi des parallèles entre le passé et le présent.

« Ça nous rappelle ce qui se passe actuellement dans le monde, en Ukraine, et à quel point il est important pour tous ces gens ici de soutenir un système et de mettre fin à ce type de combats individuels », a déclaré M. Geen, qui assistait à sa première cérémonie du Souvenir à Ottawa.

L’Ukraine encore

Lors de cérémonies distinctes à Montréal et à Toronto, le premier ministre québécois, François Legault, et son homologue ontarien, Doug Ford, ont eux aussi évoqué l’invasion russe de l’Ukraine, qui a été décrite comme la nouvelle ligne de front entre la démocratie et l’autoritarisme.

Le ministre des Anciens Combattants, Lawrence MacAulay, qui représentait le gouvernement fédéral à Ottawa, a fait écho à ce sentiment. « Ce qui s’est passé il y a quelques mois signale vraiment aux gens (que) la liberté et la démocratie ne sont pas gratuites, a-t-il dit. Nous devons nous protéger. Nous devons nous rappeler qu’il y a des gens qui veulent nous les enlever. »

Le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, a déclaré que le jour du Souvenir était souligné cette année dans « un paysage mondial incertain, marqué par la guerre illégale de (Vladimir) Poutine en Ukraine » et d’autres conflits menaçant la liberté et la démocratie. « C’est un rappel de la véritable bravoure de ceux qui consacrent leur vie au service de notre pays », a-t-il indiqué dans un communiqué.

Avant le début de la cérémonie à Ottawa, des dizaines d’anciens combattants d’âges et d’horizons différents avaient défilé dans les rues d’Ottawa aux côtés de membres actifs des Forces armées, au son des tambours et des cornemuses.

Alors que plusieurs ont évoqué l’Ukraine, cette année, le rabbin Idan Scher a souligné les sacrifices des militaires pour protéger les libertés des Canadiens et il a appelé le pays à soutenir ses anciens combattants. « Pas simplement en disant merci, pas simplement en soutenant nos vétérans et leurs familles par des mots, mais plutôt par des actions, en leur consacrant de notre temps, de notre attention et de nos ressources », a déclaré le rabbin Scher.

Au Monument commémoratif de guerre du Canada, un drapeau qui aurait été porté par un soldat canadien à la bataille de Dieppe, en France, en août 1942, a été présenté pour commémorer le 80e anniversaire de ce raid meurtrier. Une couronne a également été déposée pour la reine Élisabeth II, décédée en septembre dernier.

Le premier ministre Justin Trudeau était absent de la cérémonie à Ottawa : il avait pris l’avion jeudi soir pour un sommet international au Cambodge. Son épouse Sophie Grégoire Trudeau et leur fils aîné Xavier étaient présents à Ottawa vendredi matin.

M. Trudeau a brièvement rencontré vendredi une douzaine de membres des Forces armées lors d’une escale de ravitaillement à l’aéroport d’Anchorage, en Alaska. Le premier ministre leur a serré la main, s’adressant brièvement à chacun, et il a posé pour une photo de groupe.

Ailleurs au pays

Des scènes similaires se sont déroulées devant des cénotaphes et des monuments aux morts un peu partout au pays vendredi, dans un semblant de normalité après deux ans de restrictions sanitaires, avec notamment des défilés réduits.

À Montréal, le lieutenant-colonel à la retraite Henry Hall faisait partie des personnes rassemblées place du Canada, au centre-ville. M. Hall faisait partie d’une mission des Nations unies au Moyen-Orient en 1974 lorsque neuf de ses camarades sont morts après que leur avion a été abattu.

M. Hall avait aussi une pensée pour ses deux grands-pères, qui ont servi pendant la Première Guerre mondiale, et pour son père, qui était dans la Marine pendant la Seconde Guerre.

À Halifax, plus tôt en matinée, des centaines de personnes se sont rassemblées devant l’hôtel de ville, par une journée chaude et ensoleillée. Des formations de l’Armée canadienne et de l’Aviation royale du Canada se tenaient au garde-à-vous devant le cénotaphe alors que la cérémonie commençait par les sons lugubres du « Last Post ».

Au Nouveau-Brunswick, des salves d’armes à feu ont retenti à 11 h à Fredericton, notamment.

À Toronto, devant le cénotaphe de l’ancien hôtel de ville, Alistair Stark, âgé de 73 ans, se tenait en uniforme pour la cérémonie. « Mon père est un ancien combattant, et je viens de rentrer d’Italie, où j’ai déposé une gerbe en souvenir de mon oncle, qui a été tué là-bas. »

M. Stark a lui-même été réserviste pendant 16 ans au sein du 48 th Highlanders. Son père, né en Écosse, avait servi chez les 11th Hussars dans l’« English Regiment ».

« Mon père était du débarquement le jour J, je suis très fier de lui, a déclaré M. Stark. Mon oncle a servi en Italie pour le Black Watch (du Royal Highland Regiment) et il a été tué tout près de Monte Cassino », lieu d’une bataille très meurtrière pendant la Seconde Guerre mondiale.

À Winnipeg, environ deux mille personnes se sont rassemblées au centre des congrès pour un retour en personne du plus grand évènement du jour du Souvenir dans cette ville.