(Ottawa) L’ambassade d’Israël à Ottawa se sent menacée alors que depuis près de trois ans elle fait pression sur Affaires mondiales Canada pour accroître sa sécurité.

Il est exceptionnellement rare que les ambassades et les consulats expriment publiquement leurs préoccupations concernant leur sécurité, mais l’ambassade d’Israël a rendu disponibles deux hauts fonctionnaires pour aborder ce sujet avec La Presse Canadienne.

Les entrevues ont été accordées à condition que les deux responsables ne soient pas nommés, car le personnel craint que l’hostilité dirigée contre la mission diplomatique ne cible individuellement des employés.

Les responsables ont déclaré que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait déclassé la sécurité du chef de mission israélien peu de temps après que Nimrod Barkan, l’ancien ambassadeur d’Israël au Canada, a pris sa retraite en novembre 2019.

La GRC n’a confirmé aucun détail, mais l’ambassade a déclaré que la force policière avait cessé de fournir une protection pour les personnes de marque, qui implique la protection 24 heures sur 24 d’un ambassadeur lorsqu’il se déplace entre l’ambassade et la résidence officielle.

Israël n’avait pas nommé d’ambassadeur au moment où la COVID-19 se propageait, laissant un chargé d’affaires à la tête de l’ambassade alors qu’Ottawa était l’une des capitales les plus confinées de la planète.

Lorsque l’actuel ambassadeur d’Israël au Canada, Ronen Hoffman, a commencé son mandat en décembre 2021, les responsables de l’ambassade d’Israël ont demandé qu’il bénéficie de la même protection que son prédécesseur.

L’ambassade affirme que le bureau du protocole d’Affaires mondiales Canada a rejeté cette demande dans des notes diplomatiques officielles, tout comme la GRC lors d’une réunion.

Les responsables ont déclaré avoir tenté en vain de demander une réunion pour régler le problème avec le bureau du protocole et la GRC.

Dans un communiqué, la GRC a écrit qu’« il ne serait pas approprié de divulguer des détails spécifiques » des discussions avec une ambassade.

« Les opérations de protection de la GRC évaluent et adaptent constamment leur posture de sécurité et de protection. Cela se fait d’une manière qui est basée sur les environnements de menace et de risque actuels et en évolution », lit-on dans la déclaration, qui n’a pas été attribuée à un porte-parole.

Affaires mondiales Canada s’est reporté à cette déclaration de la GRC.

L’ambassade d’Israël est située dans une tour de bureaux à trois rues au sud de la colline du Parlement. Son numéro de suite n’apparaît que sur certaines pages de son site web et l’étage n’est pas répertorié sur l’écran du répertoire de l’immeuble.

L’ambassade a partagé des publications sur les réseaux sociaux d’activistes qui s’opposent à la politique israélienne envers les Palestiniens, dans lesquelles ils montrent des plans de l’emplacement de l’ambassade et des photos de son couloir.

Le personnel a également partagé ce qu’ils ont dit être un message vocal récent, dans lequel une voix non identifiée dit : « Nous vous tuerons où que vous soyez ; nous vous aurons. »

Les responsables anonymes ont noté une augmentation des évènements antisémites, qui a été documentée par le groupe de défense juif B’nai Brith Canada.

En avril, ce groupe a signalé une hausse frappante du nombre d’incidents antijuifs violents, de neuf en 2020 à 75 en 2021, notamment des passages à tabac, le vandalisme des synagogues et des croix gammées dans les écoles.

L’ambassade d’Israël a déclaré qu’elle bénéficie désormais du même niveau de protection que la plupart des missions diplomatiques de la région de la capitale nationale.

Cela équivaut à des policiers qui passent devant le bâtiment abritant l’ambassade à des intervalles aléatoires, selon les récents chefs du protocole qui ont supervisé la sécurité des ambassades au Canada.

Les responsables d’Affaires mondiales Canada tiennent également des appels réguliers avec toutes les ambassades à Ottawa et à Gatineau, notamment pour faire part de tout problème de sécurité ou d’évènement à venir pouvant entraîner de grandes manifestations.

Le ministère recueille également des renseignements et reçoit des mises à jour des deux villes sur les autorisations pour les manifestations devant les ambassades.

Affaires mondiales Canada envoie ces informations accompagnées de suggestions lorsque le ministère estime qu’une mission diplomatique pourrait mériter plus de sécurité, pour des jours spécifiques ou même pour une surveillance permanente 24 heures sur 24.

La GRC assure la liaison avec le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et prend la décision finale sur le niveau de protection offert par la GRC.

En vertu de la Convention de Vienne de 1961, les pays s’engagent à protéger les diplomates lorsqu’ils acceptent officiellement des ambassadeurs d’États étrangers.

Mais ce devoir dépend de l’interprétation, et il est rare que le Canada offre une protection 24 heures sur 24 aux ambassades, ont déclaré d’anciens chefs du protocole, reconnaissant qu’Ottawa est beaucoup plus sûre que de nombreuses capitales.

Le personnel de l’ambassade d’Israël a déclaré que dans ce climat, ils ne se sentent pas en sécurité puisque personne dans leur délégation ne peut réagir instantanément aux menaces.

L’ambassade a des agents de sécurité et a envisagé d’embaucher des gardes privés, mais aucun n’a le pouvoir d’exiger une pièce d’identité des personnes qui agissent de manière suspecte ou qui s’attardent à l’extérieur de l’ambassade.

Les responsables ont déclaré que l’ambassade avait des relations amicales avec le Canada et qu’ils essayaient de résister à l’invocation de l’immunité diplomatique pour que le personnel sorte de leur juridiction, par exemple en essayant d’identifier des personnes.

Le mois dernier, Moscou a convoqué l’ambassadeur du Canada en raison de sa frustration face à la gestion par Ottawa des problèmes de sécurité à son ambassade.

La délégation a publié des images de caméras de sécurité qui semblent montrer qu’un cocktail Molotov a été lancé par-dessus la clôture aux premières heures du 12 septembre et a affirmé que la GRC ne prenait pas la question suffisamment au sérieux.

L’ambassade de Russie a également allégué que la police d’Ottawa avait observé, lors d’un rassemblement pour l’Ukraine, des manifestants bloquant l’accès au service consulaire le 8 septembre.

Ottawa a déclaré qu’il examinait ces incidents, sans qu’aucune des forces policières n’entre dans les détails.