(Ottawa) La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a appelé au calme, mercredi, face à l’escalade des tensions entre les États-Unis, Taïwan et la Chine, tout en imputant à Pékin la responsabilité de l’impasse actuelle.

Aux côtés de son homologue allemande, Annalena Baerbock, lors d’une conférence de presse à Montréal, Mme Joly a déclaré que le gouvernement canadien était « très préoccupé par l’action menaçante de la Chine et sa coercition économique ».

Ces commentaires faisaient suite à l’annonce par Pékin d’exercices militaires à grande échelle autour de Taïwan à partir de jeudi, en réponse à la visite sur l’île autonome de la présidente de la Chambre des représentants aux États-Unis, Nancy Pelosi. La Chine revendique l’île de Taïwan comme faisant partie de son territoire national.

Les commentaires de la ministre Joly surviennent également alors que deux navires de guerre canadiens se préparent à se rendre dans la région de l’Asie-Pacifique au cours des prochains jours pour un déploiement déjà planifié, dans le cadre de la participation canadienne à un exercice militaire à grande échelle dirigé par les États-Unis près d’Hawaï.

Mme Joly a déclaré mercredi aux journalistes que des visites telles que celle de Mme Pelosi faisaient partie de la diplomatie normale et « ne peuvent pas être utilisées comme prétexte pour des tensions accrues » ou pour une action agressive.

« Donc, en ce sens, nous appelons la Chine à désamorcer, parce que nous croyons qu’il peut y avoir des risques non seulement d’aggravation des tensions, mais aussi de déstabilisation de la région », a-t-elle déclaré.

La ministre allemande Baerbock a fait écho à l’appel de Mme Joly à un dialogue calme et pacifique dans le détroit de Taïwan, qui sépare la Chine continentale de l’île.

Les deux femmes ont joint leur voix aux autres ministres des Affaires étrangères des pays du Groupe des sept, qui comprennent la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon et les États-Unis, en publiant plus tard une déclaration mettant en garde la Chine contre « une activité militaire agressive dans le détroit de Taïwan ».

« Nous invitons la Chine à ne pas modifier unilatéralement le statu quo par la force dans la région, et à résoudre les différends dans l’ensemble du détroit par des moyens pacifiques », lit-on dans le communiqué.

Les ministres du G7 ont ajouté qu’il n’y avait aucun changement dans les politiques respectives de leur pays « d’une seule Chine », qui prévoit qu’il n’y a qu’un seul gouvernement chinois, qui ne reconnaît pas Taïwan comme un pays souverain, et qui n’implique donc pas de relations diplomatiques officielles avec Taipei.

« Nous réitérons notre engagement commun et inébranlable à maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan et nous encourageons toutes les parties à demeurer calmes, à faire preuve de retenue, à agir avec transparence et à maintenir des lignes de communication ouvertes pour éviter tout malentendu. »

Exercices militaires dans la région

Alors que le Canada et ses partenaires du G7 cherchaient mercredi à éviter une confrontation armée entre la Chine et Taïwan, des milliers de militaires américains, canadiens et alliés terminaient un exercice d’entraînement d’un mois dans le Pacifique.

Cet exercice, appelé « RIMPAC », impliquait les frégates Vancouver et Winnipeg, qui, selon le contre-amiral canadien Christopher Robinson, navigueront dans les prochains jours vers l’ouest, en direction de la région Asie-Pacifique, une fois l’exercice officiellement terminé jeudi.

« L’un sera dans la partie nord de l’Asie, l’autre dans la partie sud, et ils se rencontreront au milieu, a déclaré en entrevue M. Robinson, qui a été commandant en second de l’exercice. C’était vraiment la dernière étape pour les préparer à ce long déploiement. »

Le contre-amiral Robinson n’a pas précisé si l’un ou l’autre des navires canadiens, qui resteront dans la région jusqu’en décembre, traverserait le détroit de Taïwan. Il a toutefois confirmé qu’ils opéreront avec des forces alliées dans la région.

Quant à l’exercice « RIMPAC », qui a lieu tous les deux ans, M. Robinson a déclaré qu’il comportait toute une gamme de scénarios, comme la réponse à une crise humanitaire ou la lutte contre un conflit généralisé.

Bien que l’exercice n’identifie aucun adversaire spécifique, M. Robinson a déclaré : « Nous sommes très conscients des capacités qui existent. Divers pays ont toutes sortes de capacités avancées ».

Lors d’un bref discours à Taipei avant de quitter Taïwan mercredi, Mme Pelosi a défendu sa visite controversée, affirmant qu’elle et d’autres membres du Congrès américain de sa délégation avaient montré qu’ils n’abandonneraient pas leur engagement envers l’île autonome.

Première présidente de la Chambre des représentants à visiter l’île en plus de 25 ans, Mme Pelosi a attisé avec sa visite la colère de Pékin et déclenché dans son pays et dans le monde plus d’une semaine de débats sur l’opportunité de cette visite à Taïwan, après la fuite dans les médias.

La réponse de la Chine a été bruyante et s’est manifestée sur plusieurs fronts : diplomatique, économique et militaire. Peu de temps après l’atterrissage de Mme Pelosi mardi soir, la Chine a annoncé des exercices de tir réel qui auraient commencé cette nuit-là, ainsi que des exercices de quatre jours à partir de jeudi.

Les exercices chinois prévus, y compris en tirs réels, doivent être les plus importants visant Taïwan depuis 1995, lorsque la Chine a tiré des missiles lors d’un exercice à grande échelle pour montrer son mécontentement lors d’une visite aux États-Unis du président taïwanais d’alors, Lee Teng-hui.

Taïwan a dénoncé les exercices de cette semaine, dont certaines parties doivent se dérouler dans ses eaux territoriales, affirmant qu’ils violaient la souveraineté de l’île.

Mercredi, la Chine a également interdit certaines importations en provenance de Taïwan, notamment les agrumes et le poisson.