Des Autochtones de l’ensemble du pays se montrent solidaires du peuple ukrainien en portant un foulard de Kokum.

Ils partagent, depuis le début de l’invasion russe, il y a plus d’une semaine, des photos ou des vidéos les montrant portant ce vêtement

Ces foulards sont souvent imprégnés de motifs floraux aux teintes vives. Traditionnellement, ils sont portés par les aïeules. « Kokum » signifie grand-mère en langue crie.

Selon l’histoire orale, ces vêtements ont été portés par les premiers immigrants slaves à venir s’installer au Canada au début des années 1890.

Tania Cameron, une Anichinabée, regardait les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie depuis sa maison de Kenora, en Ontario, lorsqu’elle a ressenti le besoin d’exprimer sa solidarité avec les Ukrainiens des deux côtés de l’océan.

« Il y a des Ukrainiens dans nos villes et villages qui traversent une période très difficile. Ce n’est pas mon peuple, mais nous sommes connectés, je vais donc les soutenir », a relaté Mme Cameron en entrevue.

Si c’est quelque chose d’aussi simple que de porter une écharpe de Kokum en solidarité, alors c’est ce que je ferai. S’il y a un moyen de soutenir des fonds pour appuyer l’aide humanitaire, alors c’est ce que je ferai.

Tania Cameron

Tania Cameron a remarqué la campagne de solidarité sur les médias sociaux et a décidé d’y participer.

Elle a trouvé des foulards de Kokum dans des boutiques autochtones et ukrainiennes. Elle en distribue dans l’ensemble du pays.

Mme Cameron a aussi organisé un tirage dont les bénéfices seront versés à la Croix-Rouge.

Une personne âgée ukrainienne de Kenora a découvert ce que faisait Mme Cameron et a demandé s’il était possible pour elle de livrer en main propre des écharpes. Les deux ont passé du temps à partager leurs histoires autour d’un café.

« Ce fut un moment émouvant lorsque j’ai été accueillie chez elle, a relaté Mme Cameron. Elle m’a offert le foulard de sa grand-mère et m’a donné des graines de tournesol pour me remercier de mes efforts. »

Le tournesol, l’emblème floral de l’Ukraine devenue un symbole de paix et de solidarité.

Des similitudes

Les foulards carrés sont connus sous différents noms, notamment les khustkas, les hustkas ou les babouchkas.

Des histoires d’échanges entre les femmes des Premières Nations, les Métisses et les Ukrainiennes ont été transmises aux familles des trois côtés.

Mme Cameron se souvient avoir porté un foulard de Kokum lorsqu’elle était enfant.

« Nous les portions lorsque nous allions cueillir des bleuets pour essayer de garder les insectes hors de notre tête et de nos oreilles dans la brousse en été. »

Elle a dit avoir été surprise lorsqu’elle a découvert l’origine de ces foulards. Selon elle, il est logique que les femmes anichinabées et cries les apprécient, car les motifs floraux sont souvent présents dans leurs œuvres.

Les foulards sont souvent utilisés aujourd’hui comme accessoire de mode par les femmes et les hommes autochtones. Les danseurs de pow-wow les incorporent dans leurs tenues cérémonielles.

Traditionnellement, les femmes slaves les portaient lorsqu’elles étaient mariées et ensuite, a déclaré l’autrice ukrainienne Marion Mutala. Les femmes les portaient également pour se protéger lorsqu’elles travaillaient à l’extérieur et pour différentes célébrations.

Mme Mutala est l’autrice d’une série pour enfants intitulée Baba’s Babushka, qui est basée sur sa relation avec sa propre grand-mère décédée quand elle avait quatre ans.

Environ sept ans après avoir écrit son premier livre, Mme Mutala a rencontré lors d’un salon du livre un homme autochtone qui lui a parlé de l’importance du foulard dans les communautés autochtones.

Elle a décidé de faire des recherches sur la relation entre les peuples autochtones et les Ukrainiens. Son livre Kohkum’s Babushka est sorti en 2017.

« J’ai regardé les points communs que nous avions. Les Métis ont le violon et les Ukrainiens aussi. Nous avons beaucoup de perlage et une vie spirituelle identiques. Il y a beaucoup de similitudes », a-t-elle déclaré au bout du fil depuis sa maison à Saskatoon.

Tamara Malcolm se souvient d’avoir utilisé les foulards à l’adolescence lorsqu’elle dansait lors de pow-wow. La femme anichinabée se souvient que son arrière-grand-mère en portait un, mais, comme Tania Cameron, elle n’a pris connaissance de l’histoire que récemment.

Mme Malcolm possède une boutique de perles dans la Première Nation de Serpent River, dans le nord de l’Ontario.

« J’ai un foulard de Kokum accroché à l’extérieur de mon magasin pour symboliser ma solidarité avec l’Ukraine », a-t-elle affirmé.

Mme Malcolm a commencé à vendre les écharpes il y a un an, mais la pandémie a arrêté les grands rassemblements comme les pow-wow, de sorte que les articles sont restés sur ses étagères.

Maintenant, elle a décidé de faire don de la moitié des ventes de chaque foulard aux efforts humanitaires pour l’Ukraine. La propriétaire dit en avoir vendu près de 120 la semaine dernière et il ne lui en reste qu’une poignée.

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.