(Ottawa) Cibler le chapitre canadien des Proud Boys avec une législation antiterroriste a conduit à la disparition apparente du groupe, mais une experte de premier plan soutient que cela pourrait avoir peu d’effet sur le mouvement d’extrême droite au sens large.

Barbara Perry, directrice du Centre sur la haine, les préjugés et l’extrémisme de l’Université Ontario Tech, affirme que la mesure pourrait simplement renforcer la détermination d’anciens membres, les inciter à se joindre à d’autres groupes ou engendrer une augmentation de l’activité individuelle en ligne.

Proud Boys Canada a annoncé dimanche qu’il se dissolvait après que le gouvernement libéral l’eut répertorié comme une organisation terroriste à la suite de l’assaut de janvier contre le Capitole à Washington.

Être sur la liste signifie que les actifs et les biens du groupe sont effectivement gelés et peuvent faire l’objet d’une saisie ou d’une confiscation.

Un communiqué publié sur la chaîne Proud Boys sur l’application Telegram et attribué à la section canadienne du groupe nationaliste blanc dit qu’il a songé à intenter une action en justice, « mais nous n’avons aucun soutien financier ».

Dans une déclaration distincte, le groupe affirme que les membres de sa section canadienne doivent tenir compte de leurs moyens de subsistance et que « lutter contre cela devant les tribunaux s’avérerait coûteux et prendrait du temps », ajoutant que « la lutte pour la liberté » n’est pas terminée.

Mme Perry a déclaré que si l’inscription des Proud Boys sur la liste à Ottawa pouvait dissuader certains membres, elle pourrait renforcer la détermination d’autres.

« Cela renforce leur mentalité de victime, a-t-elle affirmé dans une entrevue lundi. Maintenant, ils peuvent prétendre qu’ils sont ceux qui sont ciblés, ceux qui sont réduits au silence. »

Il est possible que certaines sections locales des Proud Boys continuent de fonctionner au Canada, étant donné leur indépendance, a indiqué Mme Perry. De plus, les « vrais purs et durs » prendront la forme d’un autre groupe ou se joindront à un groupe existant, a-t-elle prédit.

« Je pense que bon nombre d’entre eux continueront de s’engager dans le mouvement d’une manière ou d’une autre », a soutenu Mme Perry, qui évalue le nombre de groupes d’extrême droite au Canada à environ 250.

Certains extrémistes du mouvement essaieront de faire avancer des causes par eux-mêmes dans le cyberespace, a-t-elle ajouté, soulignant que « beaucoup d’individus se frayent un chemin sur différentes plateformes de médias sociaux associées à l’extrême droite sans nécessairement s’affilier à un groupe particulier ».

Mme Perry signale également que les prochaines élections générales pourraient constituer un point de ralliement « qui est susceptible de faire sortir à nouveau des gens » alors que les membres de l’extrême droite tentent d’amplifier leurs messages.

Une « étape importante »

Mustafa Farooq, directeur général du Conseil national des musulmans canadiens, a accueilli avec prudence l’annonce des Proud Boys.

« De toute évidence, nous ne prenons pas au pied de la lettre les propos de cette organisation islamophobe violente », a-t-il écrit sur Twitter. « Cependant, c’est une étape importante. »

M. Farooq a déclaré qu’il y avait encore « beaucoup plus de travail à faire » pour démanteler les nombreux autres groupes suprémacistes blancs au Canada.

« Faisons tomber les drapeaux de la haine. Ensemble. »

La violence suprémaciste blanche est une réalité tragique au Canada, a déclaré Mary-Liz Power, porte-parole du ministre de la Sécurité publique Bill Blair.

« Nous avons pris des mesures importantes en tant que gouvernement pour mettre fin à cette violence dans nos communautés. Nous savons également qu’il reste encore beaucoup à faire et nous nous engageons à faire ce travail », a-t-elle déclaré.

« L’intolérance et la haine n’ont pas leur place dans notre société. »