(Ottawa) Le Canada fait face à des choix difficiles concernant ses relations avec la Chine, maintenant que Michael Kovrig et Michael Spavor sont de retour au pays, disent des experts.

Ottawa devra notamment décider si le géant chinois des communications Huawei pourra participer au déploiement de la technologie 5G au pays. Dans une optique plus large, le Canada devra trancher à savoir si la Chine sera considérée comme un allié, un rival ou un ennemi.

Le ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau, a reconnu que l’arrestation et la détention des deux Michael, probablement en représailles à l’arrestation d’une dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou, ont refroidi les relations entre les deux pays.

« Il était hors de question d’avoir des relations cordiales avec la Chine tant que les deux Michael étaient détenus », a laissé tomber M. Garneau lors d’une entrevue au réseau CBC, dimanche.

Michael Spavor et Michael Kovrig ont été libérés vendredi après avoir été détenus pendant plus de 1000 jours en Chine.

Le Canada a abandonné les procédures d’extradition contre Mme Meng après qu’elle eut conclu un accord avec les États-Unis, qui cherchaient à obtenir son extradition pour la traduire en justice pour fraude.

L’un des principaux experts canadiens sur la Chine et l’Asie, Paul Evans, dit que le gouvernement fédéral devra prendre un certain nombre de décisions au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

Selon le professeur de l’Université de la Colombie-Britannique, le Canada devra décider s’il exclut le géant chinois des télécommunications Huawei du futur réseau de 5G au pays et s’il permet aux universités canadiennes d’étendre leur collaboration avec des entités chinoises.

« Ce sont des questions qui devront être réglées très rapidement par le nouveau gouvernement libéral, a affirmé M. Evans. Ce sont des choix qui doivent être faits dès maintenant. »

Un professeur de l’Université d’Ottawa et ancien conseiller du premier ministre Justin Trudeau, Roland Paris croit toutefois que le prochain gouvernement devra aussi mettre en place une stratégie à long terme dans ses relations avec la Chine.

Sans tambour ni trompette, le Canada a adopté un certain nombre de positions à l’égard de la Chine pendant que les deux Michael languissaient en prison.

Il s’agit notamment de dénoncer le gouvernement chinois pour ses tentatives d’étouffer la démocratie à Hong Kong, le traitement des Ouïghours et d’autres minorités ethniques et le recours à l’espionnage.

Malgré tout, le Canada et la Chine devront continuer à coopérer sur des questions comme les changements climatiques en raison de leurs liens économiques.

La question de la défense

Plus tôt en septembre, l’Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont annoncé un nouveau partenariat pour se défendre de la Chine, qui prévoit l’achat par l’Australie de sous-marins à propulsion nucléaire. Le Canada ne fait pas partie de cette coalition.

Bien qu’il ne soit pas clair à quel point le Canada était au courant de cet accord avant qu’il ne soit annoncé, M. Evans croit que les trois autres participants pourraient avoir eu des inquiétudes quant à la possibilité d’inclure Ottawa.

« Ils devaient savoir qu’il y avait d’autres enjeux en cause dans nos relations avec la Chine », a-t-il dit.

Dans leur dernier programme électoral, les libéraux promettaient de « lancer une nouvelle stratégie Asie-Pacifique globale pour approfondir les partenariats diplomatiques, économiques et en matière de défense dans la région ». Selon M. Paris, cette stratégie est attendue depuis longtemps.

« Tous nos partenaires tentent de s’adapter à une région en mutation, notamment avec la montée d’une Chine plus agressive, a-t-il expliqué. Plusieurs de ces partenaires commencent à mettre en place des stratégies nationales plus coordonnées. Le Canada doit le faire aussi. »

Le gouvernement devra aussi déterminer comment il se comportera avec des pays hostiles.