(Ottawa) Une demande d’accès à l’information formulée en français auprès de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) prendra davantage de temps à traiter qu’une requête en anglais, a-t-on signalé à La Presse.

Déjà qu’elle est bien mauvaise élève en matière de transparence, la GRC en rajoute une couche.

Deux, en fait.

D’abord, la situation s’est aggravée dans la dernière année.

Un « important manque de personnel », couplé aux « limites » associées au télétravail, a « causé énormément de délais dans le traitement de nos demandes », a-t-on argué.

Mais de surcroît, le temps d’attente est plus long si la requête a été déposée dans la langue de Molière.

« Le nombre d’employés bilingues dans notre bureau est très limité », a dit une analyste dans un échange portant sur une demande de La Presse qui remonte au 3 mars 2020.

« La majorité des gens sont anglophones seulement, ce qui fait en sorte que seulement quelques personnes peuvent traiter les demandes françaises », a noté la fonctionnaire.

Accroc à la loi

À titre d’agence fédérale, la GRC est assujettie à la Loi sur les langues officielles.

Celle-ci stipule qu’il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public ait le droit d’obtenir des services dans la langue de son choix.

La justification avancée par l’analyste viole la loi, juge Stéphanie Chouinard, professeure adjointe de science politique au Collège militaire royal de Kingston.

Le principe de base de la partie 4 [de la loi] est que tous les Canadiens devraient être traités également, peu importe la langue.

Stéphanie Chouinard, professeure adjointe de science politique au Collège militaire royal de Kingston

« Et donc, qu’il y ait des délais indus lorsqu’on fait une demande d’accès à l’information dans une langue plutôt qu’une autre, ça enfreint la loi », a-t-elle tranché.

« Insultant » pour les francophones

Au cabinet du président du Conseil du trésor, on a déclaré que « la situation décrite est inacceptable » et on a assuré qu’« un suivi sera fait auprès des institutions concernées pour que les correctifs nécessaires soient apportés ».

Car « toutes les demandes d’accès à l’information faites dans l’une de nos deux langues officielles doivent être traitées dans les délais prévus […] indépendamment de laquelle des deux langues officielles est utilisée pour faire ladite demande », a-t-on insisté.

Tous les députés de l’opposition ont bondi en prenant connaissance des explications de la division de l’accès à l’information de la GRC.

« C’est choquant et c’est inacceptable », a laissé tomber le bloquiste Mario Beaulieu.

« Encore une fois, au gouvernement fédéral, les francophones sont traités comme des citoyens de seconde classe », a-t-il dénoncé en entrevue.

Son collègue néo-démocrate Alexandre Boulerice est du même avis.

C’est insultant. C’est comme si les francophones eux, peuvent attendre, et que c’est comme ça que ça fonctionne.

Alexandre Boulerice, chef adjoint du Nouveau Parti démocratique

« Ils pourraient en embaucher, des francophones, pour traiter les dossiers, a ajouté le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique. Il y en a quand même 10 millions au pays. »

Le mécanisme d’accès à l’information est à la disposition de l’ensemble de la population canadienne et des organisations de la société civile.

Les élus fédéraux s’en prévalent aussi fréquemment pour obtenir des réponses à leurs questions sur l’appareil gouvernemental fédéral.

« C’est à la base même du système démocratique, la transparence de nos institutions », a déclaré l’élu conservateur Alain Rayes.

« Notre pays est bilingue, et c’est leur responsabilité de s’assurer d’offrir un service bilingue », a-t-il insisté à l’autre bout du fil.

Avec William Leclerc, La Presse