(Ottawa) L’histoire se répète. Plus de deux ans après le début de la mobilisation pour assurer la survie de l’Université de l’Ontario français, voilà que les politiciens protestent contre la disparition soudaine de programmes en français à l’Université Laurentienne de Sudbury, dans le nord-ouest de l’Ontario.

Les difficultés financières de l’institution étaient connues ; elle s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies le 1er février dernier et avait jusqu’au 30 avril pour présenter un plan de restructuration selon les délais prévus par les tribunaux.

Le couperet est tombé lundi : pas moins de 69 programmes, dont 28 en français, ont été fermés avant la fin de la session universitaire. Et une centaine de professeurs ont été congédiés.

Dans un message sur le site web de l’institution, le recteur Robert Haché a expliqué que le plan de restructuration prévoit « la fermeture d’un certain nombre de programmes pour lesquels le taux d’inscription était faible, voire nul depuis quelques années ».

Dorénavant, laLaurentienne compte se concentrer « sur les programmes les plus en demande ».

Les réactions n’ont pas tardé, tant à Québec qu’à Ottawa.

« Nous sommes très préoccupés par la situation à l’Université Laurentienne. La communauté francophone en Ontario […] a raison d’être très fière de cette institution d’éducation post-secondaire francophone dans la province », a déclaré le premier ministre Justin Trudeau, en conférence de presse, mardi.

M. Trudeau a souligné que sa ministre responsable des Langues officielles, Mélanie Joly, était en contact avec son homologue ontarienne, Caroline Mulroney, à ce sujet.

Et, comme pour le dossier de l’Université de l’Ontario français, bon nombre d’échanges et de négociations sont à prévoir pour permettre de sauver l’éducation supérieure en français en milieu francophone minoritaire en Ontario.

Déjà, une rencontre a eu lieu il y a un peu plus de deux semaines. Et la ministre Joly a envoyé une première lettre pour partager ses « vives préoccupations » dans le dossier de la Laurentienne.

« Les plus récents développements, dont la suppression de plusieurs programmes offerts en français et les abolitions de postes qui en découlent pour les enseignants qui forment la prochaine génération de leaders francophones dans le nord de l’Ontario, pourraient avoir des conséquences irréversibles », écrit-elle dans sa missive.

Au bureau de la ministre Mulroney, on trouve « très préoccupant et regrettable que l’Université Laurentienne ait dû prendre des mesures aussi radicales pour remettre ses finances en ordre ».

« Nous suivons la situation de près. Notre priorité est la continuité de l’apprentissage pour les étudiants de la Laurentienne », a fait valoir la porte-parole Natasha Tremblay, qui s’est limitée dans ses commentaires vu que le processus de restructuration est en cours.

En entrevue, la ministre Joly soutient que le gouvernement fédéral est prêt à faire sa part pour assurer la pérennité de l’institution.

« Au final, on va être là pour aider. […] Le but, c’est que les étudiants francophones ou francophiles qui veulent aller à l’université en français vont pouvoir étudier en français », a-t-elle soutenu, en insistant sur le fait que c’est le gouvernement de l’Ontario qui devra d’abord présenter son plan.

Mme Tremblay a fait valoir que l’Ontario investira 74,19 millions dans l’éducation postsecondaire en français en 2021-2022, une somme qui s’ajoute aux 14 millions fournis par le gouvernement fédéral.

À l’initiative du bloquiste Mario Beaulieu, les députés de la Chambre des communes ont également adopté une motion unanime afin de s’inquiéter de la situation à l’Université Laurentienne.

Elle prévoit, de plus, que les députés réitèrent leur « solidarité à l’égard de la communauté franco-ontarienne » et rappellent « le rôle primordial de l’éducation supérieure en français pour la vitalité des communautés franco-canadiennes et acadiennes ».

À Québec, le député André Fortin a livré un vibrant plaidoyer pour que les élus dénoncent ce « jour noir pour les francophones de l’Ontario ».

« Il y a de ces combats […] qui sont inévitables pour la survie du français au Canada. […] S’il y a un moment où le Québec doit s’allier aux francophones hors Québec et faire entendre sa voix à Doug Ford, c’est maintenant », a-t-il dit.

« La solidarité du Québec envers le reste de la francophonie canadienne est ferme et très engagée », a soutenu Sonia LeBel, ministre responsable du dossier.

Et si jamais les pressions du gouvernement fédéral pour préserver les programmes en français devaient échouer, le Bloc québécois et le Parti québécois ont une solution à offrir aux étudiants.

« J’invite les francophones de partout au Canada à venir, au besoin, étudier au Québec et à retourner propager les vertus de la langue française, également en science et dans tous les domaines, partout au Canada par la suite, si jamais c’est nécessaire », a lancé Yves-François Blanchet.

« Le gouvernement du Parti québécois […] tendrait la main aux minorités francophones […], notamment par exemple en les invitant à venir faire leurs études au Québec dans des paramètres financiers qui sont abordables, accessibles pour eux », a suggéré Paul St-Pierre Plamondon.