(Ottawa) La commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Brenda Lucki, a finalement répondu à un rapport sur la surveillance présumée de militants qui s’opposaient pacifiquement au projet d’oléoduc Northern Gateway.

Après trois ans d’attente, la police fédérale donne ainsi suite au rapport intérimaire de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC. Mais il aura fallu qu’un groupe de défense des libertés civiles se tourne vers les tribunaux pour forcer la main à la police fédérale.

Maintenant que les réactions au rapport intermédiaire ont été soumises, la commission pourra préparer son rapport final, qui sera, lui, rendu public.

Paul Champ, avocat auprès de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, a reçu vendredi une lettre de Mme Lucki confirmant qu’elle avait répondu à la commission.

L’association reprochait à la GRC de tarder indûment à répondre au rapport intérimaire de 2017 et avait récemment demandé à la Cour fédérale d’intervenir.

Cette demande est maintenant caduque, mais l’association cherchera néanmoins à faire reconnaître que la GRC a violé son obligation légale d’y répondre « dans les meilleurs délais » — ce qui a nui à son travail de défense des libertés civiles et, par le fait même, à sa liberté d’expression, soutient-elle.

« Le mépris systématique de la GRC à l’égard du processus de plainte du public est un problème grave, profondément enraciné et qui doit être réglé », s’indigne Me Champ.

L’association avait déposé une plainte initiale en février 2014, accusant la GRC d’avoir indûment colligé et partagé des informations sur des personnes et des groupes qui s’opposaient pacifiquement au projet d’oléoduc Northern Gateway et qui avaient assisté aux audiences publiques de l’Office national de l’énergie.

La surveillance et le partage d’informations avec d’autres agences gouvernementales ainsi qu’avec le secteur privé ont refroidi des citoyens qui auraient souhaité participer à des audiences ou à d’autres discussions publiques en ce qui a trait à l’industrie pétrolière, décrie l’association.

La Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC souhaite être entendue par la Cour fédérale en ce qui a trait au délai de réponse du corps policier.

Dans une déclaration sous serment déposée auprès du tribunal la semaine dernière, l’avocate principale aux examens et enquêtes de la commission a déclaré que ce retard déraisonnable avait nui au chien de garde dans l’exécution de son mandat.

« Le délai mine également la légitimité, l’équité et l’efficacité du processus de plainte du public. Les plaignants et les membres de la GRC qui font l’objet de plaintes doivent tous vivre avec le stress et l’incertitude d’une plainte non résolue », a souligné Me Nika Joncas-Bourget.

Cela repousse aussi la mise en œuvre des mesures recommandées par la commission, au niveau de la formation par exemple, a-t-elle ajouté.

« Cela signifie que d’importantes leçons et des changements systémiques peuvent attendre des mois ou des années après le moment où ils auraient été plus utiles et pertinents. »

Pas moins 148 rapports intérimaires attendent une réponse de la commissaire de la GRC, dont 134 sont en suspens depuis plus de six mois. Dans 119 de ces cas, la commission attend une réponse depuis au moins un an, et dans un cas, depuis plus de quatre ans.