L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées s’inscrit dans la suite logique des autres commissions récentes sur les relations entre le Canada et les Premières Nations, mais sa conclusion est plus sombre que jamais.

C’est l’avis de Jula Hughes, professeure de l’Université du Nouveau-Brunswick qui s’intéresse à ces démarches périodiquement entreprises par Ottawa.

En 1996, la commission royale (surnommée « Erasmus-Dussault ») instituée dans la foulée de la crise d’Oka rendait un rapport qui mettait en lumière les effets délétères des pensionnats autochtones. En 2015, la Commission de vérité et réconciliation concluait ses travaux en dénonçant le « génocide culturel » des Autochtones.

La première commission avait recommandé la tenue de la deuxième, et la deuxième a recommandé la tenue de la troisième, soit l’Enquête nationale. Elles sont un peu « la fille et la petite-fille » de la première, selon la professeure. Chacune note que les recommandations de la précédente n’ont pas été complétées.

Mais la commission royale de 1996 soulignait aussi les progrès effectués et exprimait « un optimisme certain quant à la possibilité de réparer la relation » entre l’État canadien et les Premières Nations.

La conclusion de l’Enquête nationale selon laquelle les Autochtones sont victimes d’un génocide, rendue publique hier, « pourrait être une indication que l’optimisme de la commission royale a cédé sa place à une vision plus pessimiste, qui croit que le Canada doit être forcé à agir à l’aide d’une analyse brutale, notamment en raison d’une détérioration [des conditions de vie] qui justifie l’utilisation d’un vocabulaire lié à une détresse extrême », a-t-elle indiqué.

C’est cette « force d’accusation » qui distingue les commissions entre elles, a-t-elle ajouté.

Autre élément de distinction : l’objet de l’attention des commissaires. La commission royale de 1996 se concentrait sur les gouvernements, alors que la Commission de vérité et réconciliation s’adressait à de multiples acteurs de la société canadienne. Le rapport dévoilé hier matin marque un retour des projecteurs sur les gouvernements. « C’est compatible avec leur approche, qui est basée sur le respect des droits fondamentaux », a-t-elle analysé.

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Le chef autochtone Georges Erasmus

Commission royale d'enquête (1991-1996)

Cette commission, présidée par le juge René Dussault et le chef autochtone Georges Erasmus, a été déclenchée dans la foulée d’un rapport d’enquête sur la crise d’Oka. Elle fait un bilan catastrophique des conditions socioéconomiques dans lesquelles évoluent les communautés autochtones et met en lumière la question des pensionnats autochtones, hors des écrans radars jusque-là. Elle recommande la mise en place d’un Parlement et d’un gouvernement autochtones parallèles. Joint hier par La Presse, le juge à la retraite René Dussault n’a pas voulu s’exprimer sur le rapport de l’Enquête nationale.

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Le juge manitobain Murray Sinclair présidait la Commission de vérité et réconciliation au moment du dépôt de son rapport. 

Commission de vérité et réconciliation (2007-2015)

Présidée par le juge manitobain Murray Sinclair au moment du dépôt de son rapport, la Commission a été déclenchée dans le cadre du règlement d’une action collective des anciens pensionnaires des écoles résidentielles autochtones contre Ottawa. Plus de 7000 témoignages ont été entendus, en provenance de plus de 600 Premières Nations. En plus de conclure que les Autochtones avaient été victimes d’un génocide culturel, la Commission s’est conclue par la publication de 94 « appels à l’action » : elle demandait notamment au pape de présenter ses excuses pour le rôle de l’Église dans la gestion des pensionnats, mais aussi aux gouvernements canadiens de réformer leurs services de protection de la jeunesse.

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L’Enquête nationale a été déclenchée dans les premiers mois du mandat de Justin Trudeau, pour lequel il s’agissait d’une promesse électorale.

Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (2015-2019)

Dirigée par la juge britanno-colombienne Marion Buller, l’Enquête nationale a été déclenchée dans les premiers mois du mandat de Justin Trudeau, pour lequel il s’agissait d’une promesse électorale. Elle a rendu son rapport hier, après des démissions en série et une demande de report refusée par le gouvernement fédéral. L’Enquête nationale conclut que les Autochtones sont victimes d’un génocide.