Un Lavallois risque la déportation vers son Italie natale pour une condamnation, il y a 20 ans, dans une affaire de drogue liée à la mafia montréalaise.

Michele Torre, âgé de 64 ans, marié, père de trois enfants et six fois grand-père, pourrait bientôt devoir quitter le Canada, qu'il habite depuis plus de 50 ans. La Cour suprême a refusé il y a deux semaines de se pencher sur l'ordre de déportation, et M. Torre doit comparaître vendredi devant l'Agence des services frontaliers du Canada, où il pourrait connaître la date de sa déportation prochaine.

Sa famille nourrit maintenant beaucoup d'espoirs sur l'intervention d'Ottawa, soit grâce au parrainage familial ou sur des bases humanitaires.

Résident permanent depuis 1967, M. Torre avait été condamné en 1996 à près de neuf ans de prison pour complot dans le but de faire le trafic de cocaïne pour la famille Cotroni. Le gouvernement fédéral n'avait alors jamais évoqué la possibilité de l'extrader dans son pays d'origine.

Une fois libéré, lorsque M. Torre a présenté une demande de citoyenneté, afin d'obtenir son pardon et de voyager aux États-Unis, le feu rouge s'est cependant allumé a Ottawa. Le gouvernement canadien tente depuis 2013 d'obtenir sa déportation, pour «criminalité grave et organisée».

Son avocat, Stephane Handfield, soutient n'avoir jamais vu, en 24 ans de pratique, une ordonnance de déportation prononcée aussi tardivement après une condamnation. Habituellement, selon lui, cette procédure est engagée au cours des années qui suivent la condamnation, pas 20 ans plus tard, et Me Handfield plaide l'abus de procédure.

«Nous permettons à un homme de s'installer, de se bâtir une vie. Si (les autorités) l'avaient fait en 1996, ses enfants auraient été tout jeunes, M. Torre aurait pu décider de partir s'installer en Italie», plaide-t-il.

M. Torre n'a pas réussi à convaincre la Cour d'appel fédérale que le long délai lui avait causé un préjudice.

Dans une entrevue, sa fille Nellie soutient qu'il a payé sa dette à la société, mais que les autorités font maintenant payer toute sa famille. Elle rappelle que si on avait demandé à son père de partir au milieu des années 1990, alors que ses enfants étaient jeunes, la chose aurait été bien différente. «Aujourd'hui, (ses trois enfants) ont fondé leur propre famille, avec des enfants: c'est très, très différent. En 20 ans, on s'est bâti une nouvelle vie.»

Nellie Torre soutient que son père n'était pas lié aux Cotroni: il travaillait déjà dans un pub avant que l'établissement ne tombe sous le contrôle de la famille mafieuse, et il a payé cher, selon elle, d'avoir exécuté ce qu'on lui avait ordonné de faire.

M. Torre avait été arrêté en 2006 lors d'une vaste opération policière menée contre la mafia montréalaise, et il a passé près de trois ans en détention préventive avant d'être finalement acquitté.