Signe que le Québec s'engage à accueillir le blogueur Raif Badawi si le régime saoudien fait preuve de clémence à son égard, il lui délivre dès aujourd'hui un certificat de sélection «humanitaire».

L'annonce a été faite vendredi matin à l'Assemblée nationale par les ministres de l'Immigration, Kathleen Weil, et des Relations internationales, Christine St-Pierre.

L'opposition péquiste et la CAQ, qui réclamaient jeudi encore l'adoption d'une telle mesure, était également présente à l'annonce.

En conférence de presse, la ministre St-Pierre a qualifié de cruelle et inhumaine la sentence imposée à M. Badawi, qui n'a pas la citoyenneté canadienne.

Elle a demandé au gouvernement fédéral d'augmenter les pressions politiques sur le gouvernement saoudien pour autoriser la libération de M. Badawi et faciliter les procédures d'immigration au Canada.

Québec envoie ainsi un «signal fort» au gouvernement fédéral pour l'inciter à lui emboîter le pas, l'immigration étant une compétence partagée entre les deux ordres de gouvernement.

«On est vraiment très contents», a indiqué à La Presse Mireille Elchacar, d'Amnistie internationale.

Le cabinet du ministre fédéral de l'immigration, Chris Alexander, n'a pas rappelé La Presse, jeudi soir.

Le certificat de sélection est un document qui autorise un candidat à l'immigration à s'établir de façon permanente au Québec. Son attribution pour des motifs humanitaires accélère la procédure habituelle.

La ministre Kathleen Weil a usé de son pouvoir discrétionnaire pour délivrer un tel certificat à Raif Badawi.

«Pour être réfugié, normalement, il faut sortir du pays avant de faire la demande, mais là, évidemment comme il est emprisonné, ce n'est pas possible», explique Mme Elchacar.

Pour ses écrits appelant ses concitoyens à réfléchir sur la place de la religion dans leur société, Raif Badawi a été condamné à recevoir 1000 coups de fouet, à purger 10 ans de prison et à verser une amende de 1 million de rials (plus de 300 000$) assortie d'une interdiction de quitter le territoire saoudien pendant 10 ans.

Il faudra donc aussi que le régime saoudien lui accorde la clémence, si le roi le gracie, par exemple, avant qu'il ne puisse espérer retrouver sa femme et ses trois jeunes enfants qui ont trouvé refuge en Estrie.

Ses défenseurs espèrent que le geste de Québec favorisera un tel dénouement.

Flagellation

La délivrance d'un certificat de sélection pour Raif Badawi intervient alors que beaucoup craignent que les autorités saoudiennes ne reprennent les séances de flagellation, vendredi. M. Badawi n'a finalement pas reçu les coups de fouet.

Le blogueur avait reçu ses 50 premiers coups de fouet le 9 janvier, mais les séances suivantes ont toutes été suspendues, d'abord pour des raisons de santé, puis sans explication.

La confirmation de sa condamnation et de sa peine par la Cour suprême saoudienne, dimanche, pourrait signifier la reprise de son châtiment, dont la critique internationale irrite grandement Riyad.

La sentence prévoit qu'il reçoive 50 coups de fouet tous les vendredis midi, devant une mosquée de Djeddah, près de La Mecque, dans l'ouest du pays, pendant 20 semaines.

Sa femme, Ensaf Haidar, participera vendredi à la vigile hebdomadaire organisée par Amnistie internationale devant l'hôtel de ville de Sherbrooke.

- Avec Jocelyne Richer, La Presse Canadienne