Au terme de deux années entières consacrées à faire disparaître toutes les traces de l'anglais dans ses 50 écoles primaires et secondaires et même si l'OQLF a qualifié sa démarche de francisation d'exemplaire, la commission scolaire Rivière-du-Nord n'a toujours pas obtenu le certificat de conformité pour lequel elle a investi un employé à plein temps et des dizaines de milliers de dollars depuis 2010. Son refus d'acheter, au coût de 278 000$, la version française d'un logiciel de formation professionnelle ferait tiquer l'Office.

«Pour nous, c'est une goutte dans l'océan. On est très content des résultats de notre travail», dit le secrétaire général de la commission scolaire, Rémi Tremblay.

Comme tous les organismes scolaires qui ne sont pas encore jugés conformes à la Charte de la langue française (il y en aurait une trentaine selon le dernier rapport annuel de l'OQLF), la commission scolaire Rivière-du-Nord, basée dans la région de Saint-Jérôme, a dû entreprendre récemment le processus de francisation exigé par la loi. Dans un guide envoyé depuis en 2011 aux retardataires, l'Office exige notamment que «toutes les inscriptions relatives à la santé, la sécurité, le fonctionnement ou l'entretien» des appareils, des machines et du matériel soient «au moins en français». Cela inclut, lit-on, les téléphones, les photocopieurs, les distributrices, les micro-ondes, les claviers et tout le matériel d'usage courant.

«Au début, on s'arrachait les cheveux, admet Rémi Tremblay. On a d'abord recensé l'ensemble des éléments en anglais, puis on les a traduits. Parfois, ça voulait dire de demander au fournisseur de nous envoyer la version française d'un mode d'emploi. D'autres fois, il fallait mettre nous-mêmes des collants.»

Outils, appareils informatiques, logiciels spécialisés, tout y est passé. Même les perceuses. «Ça a été assez compliqué parce qu'on a beaucoup de centres de formation professionnelle où le matériel est par défaut presque tout en anglais, comme dans le domaine du transport routier ou de l'électromécanique, raconte M. Tremblay. Il est arrivé, pour certains prototypes, que la version française du manuel n'existe tout simplement pas. On a dû s'organiser.» Afin de tout modifier, il estime que son organisme a dépensé plusieurs dizaines de milliers de dollars.

À un logiciel du certificat

«Selon ce que nous a dit l'OQLF, on est un modèle», affirme le secrétaire général. Mais malgré ce verdict très flatteur, l'Office aurait récemment refusé de remettre à la commission scolaire le certificat de conformité à la Charte pour lequel elle a travaillé durant 24 mois. C'est que les inspecteurs ont découvert que les élèves à la formation professionnelle en électromécanique utilisent encore un logiciel en anglais. Le coupable, c'est le RSLogix 5000, un programme informatique qui sert à faire du design et de la configuration.

Malgré les demandes de l'Office, la commission scolaire refuse de passer au français. D'abord, ce même logiciel est presque toujours en version anglaise sur le marché du travail qui attend les élèves. Mais surtout, il en couterait un peu plus de 278 000$ pour obtenir la version française. «Là dessus, on va tenir le fort. On gère des fonds publics ici, dit Rémi Tremblay. Et il faut penser aux besoins de l'élève.»

Un expert de l'OQLF réfléchirait actuellement à la problématique, selon M. Tremblay, chose que l'organe gouvernemental a refusé de confirmer. «En attendant, on est bloqué», dit l'homme.

À Montréal, la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, dans l'ouest de l'île, entame tout juste le même processus de francisation. «Ça va nous demander beaucoup de travail pour obtenir les résultats qui nous sont demandés», prédit le porte-parole Jean-Michel Nahas. Chez lui aussi, on prévoir dédier au moins une ressource à la tâche, qui doit être complétée d'ici 2014. «Il faut faire l'inventaire et identifier tout ce qu'il faudra camoufler en apposant des étiquettes, notamment au niveau des centres de formation professionnelle, où on a beaucoup d'outils. Le matériel commandé par appel d'offres par la commission scolaire est généralement en français, mais ce qui est acheté directement par les écoles est majoritairement en anglais.» Plusieurs projecteurs dans les salles de classe, par exemple, ont des boutons de commandes ON/OFF. Un aide-mémoire fourni aux commissions scolaires par l'Office exige spécifiquement que les boutons de commandes du matériel informatique soient en français.

«Règle générale, on demande aux commissions scolaires de s'assurer que le matériel et les manuels d'accompagnement soient en français et de faire le travail nécessaire pour respecter la Charte de la langue française. Mais on ne demanderait pas à une commission scolaire qui a fait son travail de faire la correction s'il restait des boutons ON/OFF, assure le porte-parole de l'OQLF, Martin Bergeron. On n'est pas du tout là-dedans.» L'Office a refusé de commenter le cas précis de la CS Rivière-du-Nord et de son logiciel.