Le gouvernement Harper a discrètement prolongé un important contrat de gestion des immeubles fédéraux, malgré les nombreuses irrégularités relevées au cours des dernières années.

L'entente de plus de 5 milliards de dollars avec une filiale de SNC-Lavalin a déjà fait l'objet de plusieurs vérifications comptables, dont deux qui ont coûté plus de 1 million et qui ont été menées à la suite de révélations de La Presse sur des dépenses surprenantes.

Ces dépenses, que la ministre des Travaux publics avait elle-même qualifiées d'«inacceptables», incluaient des sommes de 1000$ pour faire installer une sonnette et de près de 2000$ pour l'achat et l'entretien de deux plantes vertes.

Or, La Presse a appris mardi que le ministère des Travaux publics était allé jusqu'à retenir les services d'un ancien vérificateur général du Canada, Denis Desautels, pour régler un différend avec l'entreprise au sujet de coûts liés à la gestion de projets.

Cette médiation et les deux vérifications de la firme PricewaterhouseCoopers (PwC) qui ont coûté 1 million de dollars s'ajoutent à une série d'autres vérifications qui ont été menées au cours des dernières années. Certaines d'entre elles sont toujours en cours, dont l'une qui porte sur l'ensemble des coûts relatifs à la «sécurité et la construction» pour toute l'année 2009-2010, comme l'a recommandé PwC.

Conséquences de ces nombreuses démarches: depuis 2005, SNC-Lavalin O&M (anciennement nommée Profac) a dû rembourser 223 000$ au gouvernement fédéral pour des sommes payées en trop. Ce total n'inclut pas les remboursements qui ont découlé du processus de médiation, dont Travaux publics a refusé de nous dévoiler les détails.

«Économies d'échelle»

Les contrats de gestion de plus de 300 immeubles fédéraux au pays sont entrés en vigueur en 2005. D'une durée initiale de quatre ans, ces contrats étaient assortis de trois options de renouvellement.

En plus des vérifications de PwC, le ministère des Travaux publics a aussi lancé en 2010 un processus national de consultation, dans le but de préparer un nouvel appel d'offres. Ce processus a pris fin en juin 2011.

Or, en mars 2012, le gouvernement a communiqué à SNC-Lavalin son intention de prolonger l'entente jusqu'au 31 mars 2014. Des porte-parole du Ministère ont justifié cette décision en affirmant que les vérifications et les ajustements qui en avaient découlé avaient «considérablement renforcé la position du Ministère concernant la gestion de ces contrats».

Ils ont ajouté que ce modèle de gestion par un tiers permettait de réaliser des économies d'échelle «qui excèdent 20 millions de dollars annuellement».

«La valeur actuelle des contrats est évaluée à 5,05 milliards pour la période du 1er avril 2005 au 31 mars 2014», ont par ailleurs indiqué ces porte-parole.

Ils ont enfin rappelé que le ministère des Travaux publics avait «entamé un nouveau processus d'approvisionnement en vue de remplacer les contrats». Aucune date n'a été donnée.

Chez SNC-Lavalin, les réactions sont positives. «La prolongation de ce contrat démontre la confiance du client à l'égard de la capacité de SNC-Lavalin O&M à continuer à apporter de la valeur au contrat», a déclaré la vice-présidente principale de SNC, Leslie Quinton, par l'entremise d'une employée.

Elle a affirmé que cette prolongation démontrait que l'entreprise était à l'écoute de sa clientèle et indiqué qu'elle souhaitait continuer à servir le gouvernement dans l'avenir.

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Gestion et vérifications

Les contrats accordés à SNC-Lavalin O&M portent sur des services de gestion comme l'entretien, les rénovations, la supervision des travaux ou le ménage. C'est SNC, par exemple, qui est chargée de trouver des sous-traitants lorsque des travaux d'électricité sont requis dans un immeuble fédéral. Elle envoie la facture au ministère des Travaux publics, assortie d'une commission.

La première vérification faite par PwC a révélé que des sept transactions évoquées par La Presse, seulement quatre pouvaient être qualifiées de «raisonnables». Une a été jugée «déraisonnable» et trop d'informations manquaient quant aux deux autres pour en arriver à une conclusion. SNC avait alors dû rembourser 33 000$ au gouvernement pour des frais de ménage facturés en trop.

La deuxième vérification de PwC portait sur un échantillon de 70 transactions, pour un total de 5 millions. Plusieurs cas de surfacturation ont été relevés, de même que des contrats accordés sans suivre les règles et des pièces justificatives manquantes. SNC a remboursé 54 000$.