Un pays dans lequel 2 millions de personnes souffrent d'insécurité alimentaire. Où, chaque mois, 900 000 personnes, dont de plus en plus de travailleurs, doivent faire appel aux banques alimentaires pour joindre les deux bouts. Un pays où, dans les régions les plus reculées, un litre de lait peut coûter jusqu'à 14 $.

C'est ce pays, le Canada, que le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter, visite depuis dimanche. Habitué aux pays en voie de développement et des pays émergents - il a récemment visité la Chine, le Bénin et la Syrie -, M. De Schutter fait cette semaine sa première visite dans un pays développé.

De l'aveu des organismes non gouvernementaux qui l'ont rencontré dimanche à Montréal, le portrait alimentaire du Canada qu'ils lui ont présenté n'est pas des plus reluisants.

«En faisant enquête au Canada, M. De Schutter découvre des choses inquiétantes sur la faim et l'insécurité alimentaire dans les couches les plus démunies de la société, dans les communautés autochtones et parmi les travailleurs migrants», a noté hier Diana Robson, de l'organisme Sécurité alimentaire Canada.

Elle espère que la visite du rapporteur incitera le pays à se pencher sur la nécessité d'adopter une stratégie alimentaire nationale. «Le Canada est notamment le seul pays du G8 qui n'a pas de programme alimentaire à l'école primaire», note-t-elle.

Un invité embarrassant?

S'il a rencontré une vingtaine de représentants d'organismes non gouvernementaux à Montréal dimanche, M. De Schutter aura aussi des réunions avec des élus et des fonctionnaires du gouvernement fédéral ainsi que des administrations provinciales et municipales au cours de sa visite, qui se terminera le 16 mai. Ce jour-là, le rapporteur onusien s'adressera pour la première fois aux médias et fera part de ses recommandations.

«Pour le Canada, c'est un invité embarrassant», note Dominique Peschard, président de la Ligue des droits et libertés, qui a participé à la rencontre de dimanche à l'Université de Montréal. «Le rapport que M. De Schutter va produire risque d'être une honte pour le gouvernement canadien, qui est loin d'être enchanté par cette visite.»

Pour venir au Canada, M. De Schutter n'a pas eu besoin d'invitation. Le pays a ratifié une entente qui permet aux rapporteurs spéciaux des Nations unies d'y travailler comme bon leur semble.

Si les leaders des partis de l'opposition se sont empressés de recevoir le visiteur, qui était à Ottawa lundi et mardi, le gouvernement de Stephen Harper, quant à lui, a demandé à ses hauts fonctionnaires de répondre aux questions de M. De Schutter.

Montréal, Ottawa et Toronto, où il se trouvait hier, M. De Schutter visitera aussi le Manitoba et l'Alberta. Dans l'Ouest, il compte notamment rencontrer des fermiers et des leaders des communautés autochtones.

Le Nord manquant?

Cependant, M. De Schutter, qui n'est pas payé par les Nations unies pour préparer un grand rapport sur le droit à l'alimentation dans le monde, ne se rendra pas dans le Grand Nord, au grand dam des communautés inuites, pour lesquelles la question de l'alimentation est un véritable casse-tête. «C'est dommage. Tout le monde lui a recommandé d'y aller, mais il a de grandes contraintes budgétaires», note Diana Robson.