Le poste de contrôle routier ultramoderne construit au coût de 20 millions de dollars à Saint-Bernard-de-Lacolle, en Montérégie, a fermé hier pour trois mois, parce qu'une partie de la chaussée s'enfonce toujours sous le poids des camions.

La Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) dépensera 1,5 million de dollars cet été en «travaux correctifs», pour éviter de nouveaux affaissements du terrain, qui gênent l'exploitation de ce poste de contrôle depuis son ouverture, en décembre 2007 (voir autre texte).

C'est au moins la troisième fois que des travaux doivent être réalisés dans cette aire de contrôle routier «à la fine pointe de la technologie». Le terrain sur lequel ont été construits les bâtiments et aires d'attente, sur l'autoroute 15 nord, manque de capacité portante.

Au passage des camions, la chaussée finit par se creuser de profondes ornières à proximité des aires de service.

Ces affaissements ne se produisent pas partout où les camions circulent, mais surtout aux endroits où ils doivent s'immobiliser, comme devant le poste de contrôle, devant le plateau de la balance ou à l'entrée du bâtiment où les agents de Contrôle routier Québec procèdent aux vérifications mécaniques.

Le problème s'était manifesté dès l'ouverture du poste. Les affaissements de la chaussée étaient si importants que la balance était devenue inutilisable. Les installations sanitaires étaient aussi hors d'usage parce que des canalisations avaient été écrasées par les mouvements du sol. Cette première remise en état a retardé de six mois la mise en service du poste de Lacolle.

En octobre 2010, la SAAQ a payé 27 000$ pour des travaux de remblaiement devant le plateau de la balance parce que la dénivellation de la chaussée obligeait les camions à faire un petit saut pour y monter.

Les travaux prévus cet été visent à réparer les dégâts causés par les affaissements, à améliorer le drainage des terrains et à empêcher les mouvements de sol à l'origine des déformations de la chaussée. La SAAQ explique que des remblais légers en blocs de polystyrène seront utilisés dans la reconstruction de la chaussée.

Intelligent par intermittence

Le ministère des Transports du Québec (MTQ) commence pour sa part à s'impatienter devant l'intermittence des «systèmes de transports intelligents» (STI) dont le poste de Saint-Bernard-de-Lacolle a été équipé à grands frais il y a quatre ans.

Situé à 2,7 km du poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, dans un important couloir de commerce, en bordure de l'autoroute 15 nord, le poste est équipé de plusieurs systèmes électroniques de reconnaissance et de télédétection. Ils permettent aux contrôleurs d'être avertis de l'arrivée des camions provenant de la frontière et de connaître d'avance leur «identité».

La plaque d'immatriculation des camions est lue dès qu'ils sortent de la douane de Lacolle. Le gabarit des véhicules est estimé par un système de laser, et leur poids est mesuré automatiquement quand ils roulent sur la balance électronique intégrée à la chaussée, entre le poste frontalier et le poste de contrôle.

Les STI devaient théoriquement fournir le plus d'information possible au contrôleur pour que celui-ci puisse demander au chauffeur de s'arrêter ou lui permettre de poursuivre son chemin.

Si les activités du contrôle routier relèvent de la SAAQ, c'est le ministère des Transports du Québec qui est responsable de l'implantation des STI au poste de Lacolle. Il a conclu pour cela un contrat de 2,3 millions avec la firme spécialisée International Road Dynamics (IRD) en 2005. Après l'installation des équipements et l'inévitable période de rodage, qui devait durer six mois, IRD devait assurer l'entretien des équipements pendant 24 mois.

Or, précise Réal Grégoire, porte-parole du Ministère, trois ans et demi après l'inauguration du poste, le MTQ n'a toujours pas signé d'acceptation des travaux, et le mandat d'entretien de 24 mois d'IRD «n'a pas encore débuté, parce qu'il reste toujours des ajustements à faire et que ça ne fonctionne pas encore.»

À la SAAQ, le porte-parole François Rémillard a affirmé, pour sa part, que le fonctionnement intermittent des STI n'empêche pas les contrôleurs routiers de faire normalement leur travail. Il a insisté sur le fait que les pannes arrivent à l'occasion et qu'elles ne touchent pas tous les systèmes.

«Les capteurs de détection et d'alerte flanchent à l'occasion, a expliqué M. Rémillard. Par exemple, un détecteur à la bretelle d'accès permet d'alerter les contrôleurs quand il y a déjà un maximum de camions qui attendent au poste. Si cette composante est hors service, le contrôleur fait une vérification visuelle, et le poste peut continuer de fonctionner.»

De même, ajoute-t-il, «des capteurs qui permettent de déterminer la catégorie des véhicules connaissent, eux aussi, des pannes. Encore une fois, le contrôleur peut prendre la relève, et le poste continue de fonctionner.»

Selon nos sources, le poste de Saint-Bernard-de-Lacolle fonctionnerait en fait, la plupart du temps, comme n'importe quel autre poste, et l'apport des STI dans le travail quotidien des agents de Contrôle routier Québec serait négligeable.