Le 29 février dernier, Sophie Thibaudeau, 13 ans, a eu un grave accident de ski du Vermont. Cinq jours plus tard, elle a succombé à ses blessures. Elle ne portait pas de casque. Aujourd'hui, la douleur est toujours vive pour sa mère. Afin d'éviter que d'autres familles ne vivent pareil calvaire, Catherine Thibaudeau part en croisade pour inciter les enfants à protéger leur tête lorsqu'ils dévalent les pistes.

À chaque relâche scolaire, Sophie et sa soeur jumelle, Émilie, partaient en voyage de ski avec leur père et des amis. En prévision de ce voyage, la famille Thibaudeau a loué des skis dans une boutique de Montréal en février dernier.

«On a aussi voulu louer des casques. Mais ils n'en louaient pas. Je ne voulais pas que mes filles partent skier sans casque. Sophie m'a rassurée. Elle me disait qu'elle allait être prudente», se rappelle sa mère.

Jamais les jumelles Thibaudeau ne skiaient sans protection. Mais leur mère a accepté de faire une exception. «Si j'avais su», soupire Catherine Thibaudeau en refoulant un sanglot.

Arrivée à la station de ski du Vermont, Sophie part avec son ami Charles. À sa première descente, la jeune fille quitte la piste et heurte un arbre de plein fouet. Quand Charles s'approche de Sophie, elle gît inconsciente et face contre terre. Elle est couverte de sang.

Sophie est transportée en hélicoptère à l'hôpital. «Vers 14 h cette journée-là, on m'a appelée. J'ai juste compris les mots "Sophie, arbre, ambulance". Je paniquais», se rappelle Mme Thibaudeau.

La mère se précipite à l'hôpital, où un choc l'attend. Sa fille est toujours inconsciente. Elle a deux vertèbres cervicales fracturées, les poumons perforés, deux côtes fracturées et une grosse lacération au front. Plus inquiétant: sa pression crânienne ne cesse d'augmenter.

«Quand on a un traumatisme crânien, le cerveau enfle après le choc. Mais l'espace crânien est restreint et le cerveau se comprime», explique le Dr Louis Crevier, neurochirurgien pédiatrique au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.

Pour faire diminuer la pression, un drain externe est installé dans le cerveau de Sophie. Mais les effets ne sont que temporaires. «Au fil des heures, l'état de Sophie faisait le yoyo. Ça allait bien, puis ça empirait», dit sa mère.

Après cinq jours d'attente, un médecin annonce qu'il n'y a plus rien à faire. Sophie se dirige lentement vers la mort.

Le coeur brisé, les parents décident de faire don des organes de leur fille. « On a rempli les papiers. Et le 5 mars à 21h, on a débranché Sophie. Je vais me le rappeler toute ma vie », soupire Mme Thibaudeau.

Durant l'entrevue, le mari de Mme Thibaudeau, Benoît, se tient à l'écart. Il fixe le plafond, les yeux rougis. Quand sa femme amorce cette partie du récit, il quitte la pièce, incapable d'en supporter plus. Mme Thibaudeau pleure à chaudes larmes. « Sophie a fait ça comme une championne. En 15 minutes, tout était terminé », souffle-t-elle.

Plusieurs fois, Mme Thibaudeau répète : «C'était la seule fois où elle ne portait pas de casque...»

Depuis l'accident, la famille Thibaudeau vit un cauchemar. « Je ne travaille plus. Je prends des médicaments. Je ne sais plus combien de fois j'ai pensé la rejoindre... » dit la mère.

Depuis l'an 2000, environ 15 000 personnes se sont blessées sur les pistes de ski du Québec. Du nombre, 19 ont perdu la vie. Chaque année, le CHU Sainte-Justine traite entre 15 et 20 traumatismes crâniens subis en ski. Le Dr Crevier assure que porter un casque permet de limiter la gravité des blessures.

«Je veux que les gens sachent que le casque sauve des vies», dit Mme Thibaudeau. Elle montre une mèche de cheveux bruns. «Parce que pour moi, ces cheveux, c'est tout ce qu'il me reste de ma fille.»