Un Belgo-Canadien arrêté dans une manifestation mercredi à Budapest, où il étudiait, pourrait comparaître en procès et finir en prison sans avoir pu parler aux autorités des deux pays dont il possède la nationalité.

« Dans le pire des cas, sa peine pourrait être de deux à huit ans de prison », craint Charlotte Beauduin, la soeur d'Adrien Beauduin, qui vit à Montréal. Elle relate les propos de l'avocate chargée de défendre son frère qui a grandi dans la métropole québécoise. Selon Mme Beauduin, le procès pourrait se tenir dès aujourd'hui ou demain, sans que l'avocate d'Adrien, Me Nehéz-Posony, n'ait eu accès à l'ensemble de la preuve. « Un citoyen canadien est bien détenu en Hongrie », a confirmé John Babcock, porte-parole à Affaires mondiales Canada, sans dévoiler son identité.

RASSEMBLEMENT TENDU

Lorsqu'il a été mis en garde à vue, Adrien Beauduin manifestait devant le parlement contre le vote, plus tôt dans la journée, de plusieurs nouvelles lois modifiant les conditions de travail. L'agence Reuters rapportait qu'environ 2000 personnes étaient sur place.

Le ton de la manifestation a changé alors que la foule a jeté des objets sur les policiers, ce à quoi ils ont répondu en la chargeant et en utilisant du gaz poivre. Adrien Beauduin est accusé d'assaut et de violence envers un policier. Elle demeure incrédule devant les gestes reprochés à son frère, qu'elle considère comme « quelqu'un d'intellectuel, de réfléchi et de pacifiste ».

L'avocate de M. Beauduin prévoit nier l'ensemble des chefs d'accusation qui pèsent sur l'étudiant au doctorat en études de genre. Ce sont 34 personnes qui auraient été arrêtées et accusées de motifs similaires, aurait affirmé l'avocate du jeune homme au téléphone avec sa famille. Celle qui représentera M. Beauduin devant la justice est affiliée au TASZ, organisation sans but lucratif qui milite pour la défense des droits et libertés.

ÉTUDIANTS EN COLÈRE

Plusieurs universitaires comme Adrien Beauduin, venus en appui aux salariés les plus précaires, sont aussi touchés par une récente mesure du gouvernement qui a montré la porte du pays à l'Université d'Europe centrale (CEU), le 4 décembre dernier. Le gouvernement du premier ministre Viktor Orbán a exigé que le campus central soit délocalisé de sa capitale vers Vienne.

La CEU, fondée par le milliardaire George Soros, permet l'acquisition de diplômes américains reconnus, mais ne possède pas de campus dans son pays d'attache, les États-Unis. La Hongrie a interdit en 2017 la présence sur son territoire d'établissements d'enseignement n'ayant pas de base dans le pays d'où elles proviennent. Adrien Beauduin s'est opposé directement à cette décision en militant avec le groupe Szabad Egyetem, qu'on peut traduire par « université libre ».

RECUL DES DROITS ET LIBERTÉ DÉNONCÉ

Depuis l'arrivée au pouvoir de Viktor Orbán en avril dernier, la Hongrie a soulevé l'inquiétude de plusieurs organisations internationales, y observant un recul des droits et libertés. En septembre, le Parlement européen a engagé les procédures pour retirer à la Hongrie son droit de vote au sein du Parlement européen, car cette dernière ne respecterait pas les valeurs communes de l'Union européenne (UE).

Le parti du Fidesz, à la tête du pays, prône des valeurs conservatrices. Il se présente comme ouvertement anti-immigration et a été montré du doigt pour avoir bafoué la liberté de la presse.

L'ensemble des mesures critiquées par la manifestation du 12 décembre sont surnommées par les manifestants « loi sur l'esclavage ». Celles-ci font augmenter le nombre d'heures supplémentaires permises à 400 par an et permettent à l'employeur de verser le salaire qui leur est rattaché dans un délai de trois ans après qu'elles ont été effectuées. La loi précédente autorisait un maximum de 250 heures supplémentaires, et le paiement de celles-ci dans un délai de tout au plus un an.