À l'approche du triste anniversaire de l'attentat contre la grande mosquée de Québec, une veuve a obtenu gain de cause face au régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels (IVAC).

Après deux refus, l'IVAC a finalement reconnu Khadija Thabti et ses deux enfants âgés de 5 et 13 ans en tant que victimes de cette fusillade, qui a coûté la vie de son conjoint.

L'avocat de la famille, Marc Bellemare, précise que la ministre de la Justice, Sonia Lebel, est intervenue dans ce dossier vendredi, à quelques jours du procès qui devait s'amorcer devant le tribunal administratif du Québec

Khadija Thabti pourra finalement être indemnisée pour sa perte de revenus et obtenir des traitements psychologiques aussi longtemps que nécessaire, tout en étant remboursée pour ses frais de déplacement.

« Être reconnu comme victime, ça change tout », souligne Me Bellemare.

Il reproche à l'IVAC de parfois refuser des prestations sous prétexte que le demandeur n'était pas sur place au moment du crime - un motif qui est, selon lui, « ridicule et contraire à la loi ».

« La loi exige que la personne ait subi un choc mental à l'occasion d'un acte criminel. Donc, la personne peut l'avoir subi en arrivant précipitamment sur les lieux du crime, en étant confrontée à des images d'horreur, en étant inquiète que la sécurité d'un proche ait été menacée, illustre-t-il. C'est ça, un stress post-traumatique : t'es pas obligé d'être là quand la balle sort du fusil ! »

Un changement de mentalité est selon lui de mise du côté de l'IVAC, qui relève de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail.

Certaines victimes se retrouvent sans ressources pour se battre et en voient leur guérison compromise, fait valoir l'ex-ministre de la Justice.

« On joue avec les nerfs des gens, s'indigne-t-il. Ça complexifie la thérapie, ça crée énormément d'insécurité, les dettes s'accumulent. »

Appel à tous

Le deuxième anniversaire de l'attentat, commémoré mardi, coïncidera avec la fin du délai pour soumettre une demande à l'IVAC.

Me Bellemare tend donc la main aux membres de la communauté musulmane de Québec, qui s'étaient précipités en grand nombre sur les lieux du carnage.

Il s'engage à traiter de manière pro bono les dossiers d'autres personnes marquées au fer rouge par ce drame. Et il ne serait pas surpris qu'elles soient nombreuses à avoir négligé de se manifester.

« Souvent, les victimes sont démolies, rappelle-t-il. Pour elles, c'est souvent un fardeau que de réclamer, s'embarquer dans des procédures avec des fonctionnaires qui ne comprennent pas. »

Aboubaker Thabti figure parmi les six fidèles tombés sous les balles d'un tireur durant la prière du soir, le 29 janvier 2017, avec Mamadou Tanou Barry, Ibrahima Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane et Azzeddine Soufiane. Ils ont laissé 17 enfants derrière eux.