L'Unité permanente anticorruption (UPAC) a des problèmes de recrutement, a reconnu son commissaire, jeudi, en dressant le bilan d'une année mouvementée.

Frédéric Gaudreau, qui dirige le corps policier par intérim depuis la démission de Robert Lafrenière, a présenté le bilan des derniers mois, qui ont été marqués par les fuites médiatiques sur l'enquête Mâchurer, les problèmes de climat de travail et le revers important encaissé par l'UPAC après l'arrestation du député Guy Ouellette.

M. Gaudreau n'a pas caché que les manchettes négatives des derniers mois commencent à peser sur les efforts de recrutement.

À l'heure actuelle, une « dizaine » de postes d'enquêteurs sont vacants à l'UPAC. Cette situation réduit le « volume » de travail effectué et fait en sorte que moins de policiers peuvent être affectés à certaines enquêtes.

« Il y a un spectre de mauvaise presse, a admis le commissaire. Je pense que l'objectif, d'ailleurs, c'est de rassurer ces gens-là que dans le quotidien, les gens ont du plaisir à venir travailler, ont du plaisir à faire leur travail, à enquêter sur les crimes de corruption. »

Une « grande portion » des policiers embauchés en ce moment « n'ont pas d'expérience en enquête ». M. Gaudreau se donne pour mission de remédier à la situation en rendant le corps policier « plus attrayant ». Son objectif est notamment d'attirer des travailleurs possédant une expertise en matière de crimes économiques ou financiers.

« L'UPAC va bien, a-t-il assuré. Les gens sont motivés en ce moment. Je le sens sur le terrain. Oui, on a des choses à faire pour s'améliorer, oui on n'est pas parfait. C'est clair que, pour moi, on a besoin de passer dans un mode UPAC 2.0, à faire évoluer le modèle. Essentiellement, ça va passer par des décisions et des prises de positions qui vont permettre de faciliter l'accueil de nouveaux membres et de nouvelles façons de faire. »

Il compte « recadrer » le message de la direction de l'UPAC. Contrairement à M. Lafrenière, qui a démissionné le 1er octobre, jour de l'élection, M. Gaudreau se refuse à tout commentaire sur des enquêtes « en cours ».

Il souhaite ainsi retirer la « pression » qui pèse sur ses enquêteurs et ne pas décourager d'éventuels dénonciateurs.

« M. Lafrenière effectivement avait tenu certains propos à partir d'enquêtes, a dit M. Gaudreau. En ce qui me concerne, moi, je vais m'abstenir de commenter sur une enquête en cours. »

Il n'a donc pas voulu donner plus de détails sur l'enquête Mâchurer, qui cible entre autres l'ex-premier ministre Jean Charest et l'ancien grand argentier du Parti libéral, Marc Bibeau.

Plusieurs éléments de cette enquête ont été révélés par les médias de Québecor. La direction de l'UPAC a par la suite mis sur pied une équipe spéciale pour retrouver l'auteur de la fuite. L'enquête a mené à l'arrestation du député Guy Ouellette et à la saisie de plusieurs documents dans son véhicule et à son domicile.

M. Ouellette a depuis fait casser les mandats de perquisition utilisés contre lui. Il a récupéré les documents saisis par les enquêteurs et il n'a jamais été accusé en lien avec cette affaire.

Journalistes espionnés ?

Par ailleurs, M. Gaudreau n'a pas été en mesure de confirmer que son équipe n'espionne pas des journalistes ni qu'elle ne mène pas d'enquête sur eux.

« De commenter sur une technique d'enquête ou sur une enquête en cours, moi je pense que c'est très risqué », a-t-il affirmé lorsque questionné directement sur l'espionnage des journalistes.

« L'objectif là-dedans, c'est de protéger d'abord et avant tout le signalement qu'on a reçu, a-t-il ajouté. Si on veut encourager des gens à signaler des crimes dont ils ont été témoin, l'important est de rester très discret et de faire ça dans l'ombre, comme toute enquête devrait être conduite normalement »

En juin, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité un projet de loi qui permet aux journalistes de refuser de communiquer un renseignement ou un document susceptible de révéler l'identité d'une source, sauf en cas d'exception très stricte.

Cette pièce législative découlait des recommandations de la commission Chamberland, instituée après que plusieurs représentants des médias eurent été épiés dans le cadre d'enquêtes policières, notamment le chroniqueur de La Presse, Patrick Lagacé.

M. Gaudreau a assuré que ses enquêteurs opèrent dans le strict respect des lois.

« L'important pour nous, c'est de respecter les règles de droit qui sont en place, a-t-il dit. Donc les différentes directives, notamment qui ont été mises en place suite à la commission Chamberland, sont pour nous un point fondamental dans la conduite de nos enquêtes. Soyez assuré d'une chose : je me fais un devoir de m'assurer que ce soit fait dans les règles. »