Une ex-agente correctionnelle qui faisait entrer de la drogue, des couteaux et des cellulaires en prison espère s’en tirer avec de la prison à domicile grâce à sa réhabilitation. Au contraire, une peine d’emprisonnement ferme est primordiale pour lancer un message fort au public, plaide la Couronne.

Fania Jean-Charles a plaidé coupable l’été dernier à des chefs d’abus de confiance, de complot pour distribution de cannabis et de possession illégale. La Montréalaise de 40 ans était une agente correctionnelle d’expérience à la prison de Rivière-des-Prairies quand elle s’est transformée en criminelle à l’hiver 2021.

En échange de quelques milliers de dollars, Fania Jean-Charles a fait fi de son serment et de la sécurité de ses collègues en refilant à des détenus des lames de couteau, des cellulaires et des briquets. L’agente corrompue utilisait des cannettes de boisson gazeuse modifiées et des boîtes de croustilles Pringles pour cacher la drogue et les objets.

Fania Jean-Charles s’est fait prendre en flagrant délit en mars 2021, au moment où elle déposait un sac de papier brun devant la porte coulissante d’une aile. Deux cannettes de boisson gazeuse se trouvaient dans le sac de papier brun. Ces cannettes modifiées avec double fond dissimulaient entre autres 139 g de cannabis et 114 g de tabac.

En plus, les autorités ont découvert chez Fania Jean-Charles d’autres « plugs » enrubannées de ruban électrique noir, laissant ainsi croire que d’autres livraisons se tramaient.

« La position d’un agent correctionnel, c’est de protéger contre ce genre d’action. C’est pour ça que le message au public doit être clair », a plaidé mercredi la procureure de la Couronne MSara Henningsson, qui réclame une peine de 18 mois d’emprisonnement ferme.

La défense suggère une peine de deux ans, moins un jour, à purger dans la collectivité. Selon MValérie Acosta, Fania Jean-Charles a amorcé une réhabilitation « convaincante » et ne présente pas de risque de récidive, notamment grâce à sa thérapie avec une « naturopathe ». Le « rapport » produit par cette thérapeute a fait sourciller le juge Salvatore Mascia.

Fania Jean-Charles a exprimé des remords en s’adressant à la cour. « Je me sens extrêmement mal. J’ai mis en péril la vie des agents et des détenus. J’ai honte de ce que j’ai fait. Je regrette », a-t-elle témoigné.

Le juge Mascia semblait préoccupé par le message qu’une peine de prison à domicile lancerait à la population. « N’eût été Madame, il n’y aurait pas de crime. Dans une position de confiance, elle met en péril ses collègues, en échange d’argent. On parle de lames, pas juste de la drogue. Est-ce que [la prison à domicile], c’est suffisant pour dénoncer ce crime ? », s’est interrogé le juge.

« Ça demeure une peine dissuasive », a fait valoir MAcosta.

« Mais pour éviter que d’autres collègues soient tentés de l’imiter, est-ce qu’une peine avec sursis a un effet dissuasif ? », s’est questionné le juge.

Les procédures judiciaires sont toujours en cours pour les deux coaccusés de Mme Jean-Charles. L’un d’entre eux était son ami de cœur à l’époque et aurait reçu de l’argent pour avoir facilité les transactions.

Le juge Mascia rendra sa décision dans les prochaines semaines.