Sur une liste d’attente pour consulter un psychiatre, isolé durant la pandémie, Adrien* n’en peut plus de son marasme et de ses idées suicidaires. Tout bascule un soir de juillet : il tente de tuer son petit frère à coups de marteau, un évènement qui brisera sa famille.

Adrien « regrette que son frère soit toujours vivant » et « déteste sa famille », selon ses propos rapportés dans l’exposé commun des faits. Une ordonnance de la cour nous empêche de nommer le jeune homme afin de protéger l’identité de la victime.

Il avait plaidé coupable à une accusation de tentative de meurtre lundi dernier. Il a écopé mercredi de huit ans de pénitencier, suggestion commune des deux parties entérinée par le juge Marc-André Dagenais au palais de justice de Laval.

Juillet 2023. Adrien accompagne son petit frère au dépanneur. Ce dernier jase de tout et de rien avec son grand frère. Il reçoit alors un violent coup de marteau à la tête.

C’est Adrien qui tient l’arme. Le jeune homme de 18 ans tente de le frapper une seconde fois au visage. La victime se protège avec ses mains, suppliant son assaillant d’arrêter. Il mentionne même à son grand frère qu’il pourrait dire qu’il s’agit d’un accident, selon le résumé déposé en cour.

Le petit frère s’enfuit. Adrien ne le suit pas et appelle lui-même le 911. Il a commis « une tentative de meurtre sur son frère », avoue-t-il plus tard aux policiers. Il raconte même avoir fait semblant de commencer à pleurer pour que son frère se rapproche de lui et qu’il soit en mesure de « finir la job ». Plus troublant encore : il admet avoir eu un couteau dans sa poche « au cas où », car il ne voulait pas que son frère souffre. Il pensait à le tuer depuis quelques mois déjà.

Que s’est-il passé dans la tête du jeune Adrien ? Qu’est-ce qui a motivé cette attaque sournoise envers un membre de sa famille ? « Il n’arrive pas à aimer sa famille et il ne comprend pas pourquoi. Il se décrit comme n’étant pas une bonne personne, et mentionne ne pas être en mesure de trouver ce qui ne va pas chez lui », indiquent les documents de cour.

L’attaque était planifiée, a rappelé la procureure de la Couronne MJuliette Gauthier-Soucy mercredi matin. « Il traînait un marteau depuis quelques semaines pour passer à l’acte. »

En attente d’un psy

La santé mentale et les délais pour recevoir de l’aide sont au cœur de cette tragédie. Adrien a développé des symptômes dépressifs bien avant de s’en prendre à son frère, qui était mineur à l’époque.

Un an avant l’attaque au marteau, il a tenté de se donner la mort en se jetant du toit de son école.

La diminution des contacts sociaux lors de la pandémie a joué un rôle dans la dégradation de sa santé mentale, note-t-on lors d’une évaluation psychiatrique pour déterminer son aptitude à comparaître.

Le jeune homme « a des idées noires » et confie aux enquêteurs « qu’il en a marre de vivre », souligne MGabrielle Chèvrefils, son avocate.

Il avait toutefois demandé de l’aide, selon elle. « Je note l’absence de prévention par le système. Il était sur une liste d’attente pour un psychiatre, mais le seul service qu’on lui a offert, c’est une rencontre avec une travailleuse sociale », raconte-t-elle en salle d’audience.

Le jeune homme dit ne pas comprendre ce qui se passe dans sa tête, se questionner sur ce qui ne va pas.

Ses parents sont « entre l’arbre et l’écorce », a décrit la procureure. Le père des deux garçons a livré au tribunal un déchirant plaidoyer pour que son fils reçoive de l’aide derrière les barreaux. « Mon fils est jeune et je pense qu’il a un problème. Il faudrait essayer de l’aider. Je comprends mon autre fils qui ne se sent pas bien dans tout ça. Ma famille est brisée. »

« Notre système, tout limité qu’il soit, offrira je l’espère l’opportunité à monsieur de travailler sur lui-même », a ajouté le juge Dagenais lors de la sentence.

Il reste au détenu un peu moins de sept ans à purger au pénitencier. Il lui est interdit de communiquer avec son petit frère durant sa détention.

* Prénom fictif